LA RAMPE
C’est que Stahl, finalement, a tendance
à voir dans le destin le déguisement du déterminisme
social. La romance ne néglige ici nullement l’analyse
de la société et de l’individu (fonctionnement
social, féminisme) dans ses déterminations sociales.
Croyance du moment, croyance dans le hasard et primauté
du présent transcendent une réalité, qui
peut voir les destinées se séparer pour mieux
se recroiser en un autre instant décisif (now or never).
La scène de l’étreinte dans la maison du pianiste
fait, en ce sens, figure d’exception (" The
light is out " - " The line must
be done ") : privés de lumière
et de téléphone, nulle communication avec le monde
extérieur, seule prime l’autarcie du couple et du moment
à deux. La ligne s’est rompue entre la société
et le couple. Plus d’interaction ni d’obstacle, mais une division
violente, électrique : la réunion a lieu
parce que s’est enfin produite la scission avec les autres.
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Dans ce mélodrame
social, le personnage oscille entre la conscience du moment
et l’action. Sur la ligne sociale, d’une part, sur la rampe
intime du réel, d’autre part. En ce sens, Helen se
situe sur la rampe, entre la scène où elle se
produit (toutes les scènes d’appartement présentent
une configuration théâtrale) et sa distinction
ou recul de spectatrice (la scène du ponton). Le corps
s’engendre dans l’action prédéterminée :
mais si tout fait signe pour se séparer et se rassembler,
si tout fait sens pour s’extraire du réel, dans une
vaine recherche d’indépendance, c’est qu’une dichotomie
entre l’esprit et le corps régit le double mouvement
du destin dans When tomorrow comes. Pour exprimer cette
dichotomie, Stahl a recours généralement à
une esthétique de " la litote " :
" l’émotion vient de la " neutralité "
apparente " (2) et du fait que les personnages
dissimulent leurs sentiments par pudeur. Helen se révèle
être une héroïne positive, " dont
l’admirable fidélité paraît s’être
trompée d’objet " (3) (Philip est
marié, ce qui distingue notamment ici l’homme privé
de l’homme public). L’intime se départ du social quand
prévaut le glissement sur la rampe à la fracture
de la ligne. Helen et Philip : une seule et même
âme sentimentale en lutte avec un corps social.
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1, 2 et 3 :
Jean-Loup Bourget, Le Mélodrame hollywoodien,
p. 56.
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1949 Father was a Fullback avec
Fred MacMurray, Maureen O'Hara
1948 The Walls of
Jericho avec Linda Darnell, Cornel Wilde
1947 La Fiévre
Creole avec Rex Harrison, Richard Haydn
1945 Péché
mortel avec Cornel Wilde, Gene Tierney
1944 The Eve of St.
Mark avec Vincent Price, Anne Baxter
1944 Les Clés
du royaume avec Mary Anderson, Philip Ahn
1943 Aventure en
Libye avec Henry Fonda, Maureen O'Hara
1943 Holy Matrimony
avec Franklin Pangborn, Monty Wooley
1939 Veillée
d'amour avec Irene Dunne, Charles Boyer
1937 La Vie privée
d'un tribun avec Clark Gable, Myrna Loy
1936 Lettre d'introduction
avec Adolphe Menjou, Ann Sheridan
1934 Images de la
vie / Imitation of Life
1933 Une nuit seulement
avec Margaret Sullavan, John Boles
1932 Histoire d'un
amour / Back Street
1931 Strictly Deshonorable
avec Lewis Stone, Paul Lukas
1930 A Lady Surrenders
avec Genevieve Tobin, Basil Rathbone
1926 Memory Lane
avec Conrad Nagel, Eleanor Boardman
1924 Husbands and
Lovers avec Lewis Stone, Dale Fuller
1924 Why Men Leave
Home avec Lewis Stone, William V. Mong
1922 One Clear Call
avec Irene Rich, Milton Sills
1921 The Child Thou
Gavest me avec Lewis Stone, William Desmond
1921 Sowing the Wind
avec Ralph Lewis, William V. Mong
1921 Suspicious Wives
avec Henry Hebert, Mollie King
1919 Her Code of
Honor avec Alec B. Francis, Florence Reed
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