Le premier symptôme
se retrouve dans les deux films en l’apparition de poils épais
et durs sur le corps des deux hommes. Là intervient
le premier changement : alors que les poils de Spiderman
lui servent à devenir un super-héros (il peut
maintenant grimper aux murs), ceux de la mouche ne sont qu’un
accessoire qui permet au spectateur de déceler l’influence
grandissante de l’animal. Nous pouvons déjà
sentir le positif et le négatif, l’attraction et la
répulsion. Pourtant, la Mouche semble tout d’abord
se transformer en super héros : il a lui aussi
la capacité de monter au plafond, ses performances
sexuelles sont décuplées… Mais il ne parviendra
pas à prendre uniquement les avantages de l’animal
sans les inconvénients : alors que son enveloppe
humaine se putréfie et devient de plus en plus repoussante,
il ne pourra jamais voler. Au contraire, Spiderman acquerra
un fascinant pouvoir de déplacement, mais ne deviendra
pas un monstre à huit pattes…
Revenons à la sexualité
de ces monstres hybrides. Tous deux marginaux, petits génies
sans grand charme, les femmes qu’ils convoitent sont déjà
prises ou s’intéressent tout d’abord pas ou peu à
eux. Spiderman l’adolescent a une vie sexuelle inexistante,
celle de la Mouche est celle d’un adulte normal… C’est avec
la mutation que ce quotidien va changer. Leur potentiel sexuel
va considérablement évoluer. Pourtant, ils ne
pourront finalement pas s’en servir. Prototype de l’adolescent
dont le corps est encore en devenir, c’est le corps transformé
qui rendra Spiderman attractif pour la femme : retouché
à la palette graphique, les muscles du jeune homme
sont gonflés après la mutation. C’est associé
à la combinaison moulante qui l’anonyme que son corps
va devenir objet de convoitise. Et c’est après avoir
aimé ce corps anonyme et monstrueux que la femme pourra
enfin aimer celui de l’homme. Pourtant, Spiderman touchant
au but de l’amour refuse de s’y soumettre : c’est peut-être
là que l’animal a pris le dessus. Conscient de son
pouvoir et de son devoir, Spiderman renonce en quelque sorte
à toute existence humaine, tout en en conservant l’enveloppe.
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La Mouche, elle aussi,
n’exacerbe pas les pulsions qui l’animent. Ne pouvant s’épuiser
sexuellement, son désir en constant renouvellement,
sa compagne ne peut le satisfaire ; la frustration va,
comme chez Spiderman, évoluer, car il semblerait que
son corps, rongé par la putréfaction, révèle
un second corps asexué. C’est d’ailleurs également
le cas de Spiderman qui recouvre son corps d’homme d’un costume
sans distinction sexuelle aucune. La Mouche décide
en dernière instance de fondre en un son corps, celui
de sa compagne et celui de l’enfant qu’elle porte afin de
contrecarrer la progression de la bête et de créer
un être parfait rassemblant les qualités de l’animal
et de l’humain. Un être qui aurait donc deux sexes,
ou qui les perdrait tous les deux.
Penchons-nous vers ces corps
en transformation. Les deux personnages sont plus ou moins
dévorés par la bête. Ils ont tous deux
cette envie de devenir autre. Ou pas tout à fait. Le
scientifique en devenir-mouche aspire à être
reconnu en tant qu’être transformé, mais également
en tant qu’homme. Il veut que sa personnalité première
soit reconnue et associée à son corps second.
Les qualités qui se dégagent au début
de la mutation sont vite dominées par une évolution
constante qui ne s’arrêtera qu’avec la mort. La Mouche
ne contrôle absolument pas cette évolution. Au
premier stade, lui aussi pourrait être un super héros,
mais l’enveloppe humaine se désintègre peu à
peu, et il devient physiquement, et non seulement génétiquement,
un monstre. Ni véritable mouche, ni homme, il n’a plus
ni sexe, ni genre, ni identité. La transformation physique
semble influer sur le mental : cet être monstrueux
a un corps négatif qui engendre une moralité
négative, un délire. La mutation agit alors
comme une drogue, la Mouche ne pourra plus s’en passer, jusqu’à
la dernière téléportation qui le mènera
à un stade ultime où la vie est impossible.
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