Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
Sous le soleil de Satan (c) D.R. SOUS LE SOLEIL DE SATAN
de Maurice Pialat
Par Gwénaëlle LE GRAS



SYNOPSIS :
Malgré le soutien de l'abbé Menou-Segrais, l'abbé Donissan doute de sa vocation. Lorsque la jeune Mouchette, qui vient de tuer son amant, se tourne vers lui, il l'accable et la pousse au suicide. Un soir, sur une route de campagne, il croise un maquignon dans lequel il reconnaît Satan. Nommé curé de Lumbes, il est considéré comme un saint par ses paroissiens et, en échange du salut de son âme, accomplit un miracle. Peu après, Menou-Segrais le retrouve mort dans le confessionnal.

....................................................................

REFLEXION SUR LA REPRESENTATION DU SACRE

  Georges Bernanos (c) D.R.
Au cinéma, le sacré s’applique aussi bien à des sujets profanes que religieux ; dans tous les cas, il nous terrifie et nous attire. Que l’on soit croyant ou non, un film comme Sous le soleil de Satan (palme d’or au festival de Cannes en 1987) ne peut nous laisser indifférent, puisque tout le cinéma de Maurice Pialat est résumé là, dans cette indécision des êtres, dans cette difficulté qu’ils éprouvent à se connaître eux-mêmes et à trouver un équilibre, un sens à leur vie. N’est-ce pas justement là, dans cette interprétation de l’œuvre de Bernanos, une vision très actuelle du sacré ? Sans sacré, l’homme moderne est à la fois autonome et solitaire, délivré et désenchanté, souverain et impuissant, partagé entre ce qu’il ne peut plus croire et ce qu’il voudrait cependant espérer. De plus la finitude même de l’humain le voue à une quête sans fin d’un infini fondateur, qui relève ou non de la religion. Or Maurice Pialat, qui se dit non-croyant, propose une vision du sacré essentiellement basée sur un ébranlement des certitudes qu’engendre le rationnel.

Chez ce cinéaste, le trouble est d’autant plus grand qu’il associe le sacré, à une manipulation de la fragilité humaine ainsi qu’à une voie qui amènerait son personnage, par des signes et par le silence, à une disposition d’émerveillement et de réceptivité, même s’il lui en coûte.

Pialat filme les rapports humains dans des situations extrêmes, le dénuement, l'exclusion ou la marginalité, la maladie et la mort. Il installe ses personnages dans des situations de crise et d'affrontement que sa caméra incisive suit avec une attention qui devient parfois cruauté. C’est donc tout naturellement qu’il décide de confronter l’un de ses personnages au sacré, pour le mettre en péril, et filmer son tourment. Car " Le sacré demeure fait pour l’homme et non l’homme pour le sacré ", selon le célèbre verset de l’Evangile de Jésus-Christ sur le sabbat (Marc II, 27). On ne s’approche jamais du sacré sans mourir. Certains personnages touchés par la grâce, souffrent. On peut parler de " coup de grâce ", ou plus justement de " la grâce qui coûte ", celle qui transcende certes, mais aussi celle qui, à double détente, tue, comme le taureau dans l'arène à qui l’on porte l’estocade finale après avoir testé sa bravoure face aux piques, aux banderilles et à la " muleta ". Le personnage de Gérard Depardieu dans Sous le soleil de Satan, illustre parfaitement cette comparaison au taureau. Comme lui, il va vers sa " grâce suicidaire " avec bravoure, il l’anticipe même en se flagellant. Pourtant il existe une différence, l’abbé sacrifie sa vie à sa grâce, alors que le taureau est sacrifié par d’autres.