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Ve,dredi soir (c) D.R. VENDREDI SOIR
de Claire Denis
Par Cécile GIRAUD



SYNOPSIS : En novembre - décembre 1995, les grèves des transports paralysent Paris. Laure, une jeune femme, décide après mûre réflexion de s'installer chez son fiancé, François, médecin de profession. Ce vendredi soir, elle quitte son appartement vide, où elle n'est plus vraiment chez elle, pour aller dîner chez Marie et Bernard. Alors qu'elle est prise dans les embouteillages, un auto-stoppeur, vêtu d'une veste de cuir et se nommant Jean, monte dans sa voiture. Une attirance mutuelle naît rapidement de cette rencontre et les amène a passer la nuit ensemble. Cette brève aventure va bouleverser l'existence, jusque-là très ordonnée, de Laure, mais leur liaison aura-t-elle un avenir ?

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PERSISTANCE DE LA FUGACITE

  Ve,dredi soir (c) D.R.
Claire Denis poursuit avec Vendredi Soir ses essais sur le corps, ses pulsions, sa présence viscérale mais surtout sur ce qui rend cette matière paradoxale : le vaporeux, l’indistinct, l’image déjà-passée, l’incertitude de la vision, la sensation plutôt que la conviction.

Certains diront que Claire Denis n’a pas su reproduire le palpable, la matière, la chair. Peut-être pouvons-nous émettre l’hypothèse qu’elle ne l’a pas voulu.

Vincent Lindon et Valérie Lemercier : deux corps imposants, autant que des visages, des " gueules ". Un côté charnel perceptible dès leur entrée en scène en temps normal. Dans Vendredi Soir, leur présence semble incertaine.

Dans son appartement prêt à être déménagé, Laure (l’orée, l’aurore : fugacité) est comme un être fantôme, ni tout à fait là, ni tout à fait parti, retrouvant par les sens les particularités de ce lieu qu’elle n’a pas encore quitté mais qu’elle semble avoir déjà oublié. Elle part à la recherche d’un temps révolu, dont les signes vont ponctuer son errance dans la ville et dans la rencontre sans but de Jean. Le tintement mélodieux et étrange des ressorts du lit… Plutôt qu’ " un fantasme bourgeois (une nuit avec un inconnu) " (Jean-Sébastien Chauvin in " Les Cahiers du Cinéma "), peut-être Laure ne rencontre-t-elle que son passé, les sensations perdues de la première étreinte transformée en habitude par le projet d’une vie commune.

Ce que nous transmet Claire Denis, c’est la recherche des sensations simples : une rêverie hypnotique au rythme d’un néon clignotant, le sommeil qui arrive doucement mais sans crier gare, l’étourdissement des visages entraperçus pendant un embouteillage, fantômes fugaces slalomant entre les voitures. L’imprégnation et la persistance de ces visages qui ne sont dans l’espace que de passage, mais pas dans le temps. Voilà les trois paramètres posés : sensation, temps, espace… Claire Denis donne à résoudre une équation à plusieurs inconnues, car jamais nous ne sommes et seront sûrs des événements et des personnages qui défilent sur l’écran, ne sachant jamais s’ils sont à l’état de matière ou de fantasme. En témoigne la scène du restaurant, lorsque Jean porte secours (mais un secours sensuel) à une jeune femme réfugiée aux toilettes, lieux inaccessibles visuellement à Laure mais pourtant reconstitués, bien que le film soit presque entièrement construit de son point de vue.