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Avalon (c) D.R. AVALON
de Mamoru Oshii

ATANARJUAT
de Zacharias Kunuk
Par Francis GAVELLE



Avalon du Japonais Mamoru Oshii et Atanarjuat de l’Inuit Zacharias Kunuk. Ces deux films ont-ils quelque chose en commun pour être ainsi associés à l’occasion de leur sortie en DVD ? Aussi étrange que cela puisse paraître, la réponse est " oui ".


DES UNIVERS DE LEGENDE

  Atanarjuat (c) D.R.

D’abord, de manière purement factuelle. Les deux films ont été présentés pour la première fois en France lors de la 54e édition du Festival de Cannes : Avalon avait été programmé dans le cadre des projections "hors compétition" de la Sélection Officielle et Atanarjuat était montré dans la section " Un certain regard " et concourait pour la " Caméra d’Or ". Il la remporta d’ailleurs haut la main, suscitant un mélange de condescendance et de sarcasme de la part de festivaliers, toujours en quête du film qu’ils rêvent de voir plutôt que du film qu’on leur offre à voir : on récompensait en effet cette tragédie polaire, parce qu’avant d’être le premier film d’un réalisateur talentueux, elle était un premier film inuit, donc dépaysant culturellement et exotique cinématographiquement. Ou le contraire… Pour Avalon, par contre, il était évident que c’était son statut d’objet hybride - d’où sans doute sa programmation "hors compétition" - qui suscitait une curiosité plutôt caustique de la part de festivaliers qui voyaient mal comment on pouvait s’enorgueillir d’une réputation de "festival du cinéma d’auteur" et s’intéresser aux produits de masse pour adolescents boutonneux. Pensez donc, un film de fiction japonais tourné en Pologne avec des acteurs du cru, par un maître du film d’animation futuriste et prenant appui sur l’univers virtuel des jeux vidéos. Mais il est vrai que je vous parle d’un temps ancien, où le public averti refusait encore les évangiles d’une certaine cinéphilie moderne et attendait que l’un de ses membres lui délivre enfin ce message selon lequel on pouvait avoir un statut d’auteur et se passionner pour les formes abâtardies de création. Merci donc à toi, saint Olivier Assayas et à ton Demonlover d’avoir ouvert nombre d’esprits étroits !

Mais revenons à nos deux films. Ce qui peut permettre également d’associer Avalon et Atanarjuat, c’est que les récits de l’un comme l’autre ne sont après tout que des légendes. Ancestrales ou "science-fictionnesques", réelles ou imaginaires, mais pareillement transmises par les membres les plus vieux ou les plus expérimentés aux membres les plus jeunes ou les moins aguerris de la communauté - que celle-ci soit constituée de chasseurs nomades ou de joueurs accros - elles sont, dans une démarche similaire, mises en images par des réalisateurs qui veulent donner accès à une histoire, où à l’invariabilité de la trame narrative de base se superposent, dans la réalité d’Atanarjuat, les ornementations multiples du conteur tout au long des veillées et, dans le virtuel d’Avalon, les arborescences complexes du jeu durant chaque phase de connection. Mais que racontent donc ces histoires ?

Avalon (c) D.R.

Dans Atanarjuat, deux frères, Amaqjuaq, l’homme fort, et Atanarjuat, l’homme rapide, tentent de réunifier un groupe divisé sous l’influence d’un mauvais chaman et entre les mains d’Oki, le fils du chef du campement. Jaloux d’Atanarjuat, auquel est promise la belle Atuat, Oki attaque les deux frères durant leur sommeil : il tue Amaqjuaq et laisse pour mort Atanarjuat, qui n’aura alors de cesse que de se venger d’Oki et de Puja, sœur d’Oki, dont l’influence négative sur son frère attise désirs de trahison et d’adultère. En bon conteur qu’il est, Zacharias Kunuk n’hésite pas, au terme de ces presque trois heures de récit, à substituer au bain de sang final et vengeur de la légende une mise en ban de la communauté des deux membres destructeurs de l’harmonie du groupe. Après des siècles de vie à l’écart du monde, l’évangélisation chrétienne et son culte du pardon ont en effet atteint le Grand Nord.