Avalon du Japonais Mamoru Oshii et Atanarjuat
de l’Inuit Zacharias Kunuk. Ces deux films ont-ils quelque chose
en commun pour être ainsi associés à l’occasion
de leur sortie en DVD ? Aussi étrange que cela puisse
paraître, la réponse est " oui ". |
DES UNIVERS
DE LEGENDE
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D’abord, de manière
purement factuelle. Les deux films ont été présentés
pour la première fois en France lors de la 54e
édition du Festival de Cannes : Avalon
avait été programmé dans le cadre des
projections "hors compétition" de la Sélection
Officielle et Atanarjuat était montré
dans la section " Un certain regard "
et concourait pour la " Caméra d’Or ".
Il la remporta d’ailleurs haut la main, suscitant un mélange
de condescendance et de sarcasme de la part de festivaliers,
toujours en quête du film qu’ils rêvent de voir
plutôt que du film qu’on leur offre à voir :
on récompensait en effet cette tragédie polaire,
parce qu’avant d’être le premier film d’un réalisateur
talentueux, elle était un premier film inuit, donc
dépaysant culturellement et exotique cinématographiquement.
Ou le contraire… Pour Avalon, par contre, il était
évident que c’était son statut d’objet hybride
- d’où sans doute sa programmation "hors compétition"
- qui suscitait une curiosité plutôt caustique
de la part de festivaliers qui voyaient mal comment on pouvait
s’enorgueillir d’une réputation de "festival du
cinéma d’auteur" et s’intéresser aux produits
de masse pour adolescents boutonneux. Pensez donc, un film
de fiction japonais tourné en Pologne avec des acteurs
du cru, par un maître du film d’animation futuriste
et prenant appui sur l’univers virtuel des jeux vidéos.
Mais il est vrai que je vous parle d’un temps ancien, où
le public averti refusait encore les évangiles d’une
certaine cinéphilie moderne et attendait que l’un de
ses membres lui délivre enfin ce message selon lequel
on pouvait avoir un statut d’auteur et se passionner pour
les formes abâtardies de création. Merci donc
à toi, saint Olivier Assayas et à ton Demonlover
d’avoir ouvert nombre d’esprits étroits !
Mais revenons à nos deux films. Ce qui peut permettre
également d’associer Avalon et Atanarjuat,
c’est que les récits de l’un comme l’autre ne sont
après tout que des légendes. Ancestrales ou
"science-fictionnesques", réelles ou imaginaires,
mais pareillement transmises par les membres les plus vieux
ou les plus expérimentés aux membres les plus
jeunes ou les moins aguerris de la communauté - que
celle-ci soit constituée de chasseurs nomades ou de
joueurs accros - elles sont, dans une démarche similaire,
mises en images par des réalisateurs qui veulent donner
accès à une histoire, où à l’invariabilité
de la trame narrative de base se superposent, dans la réalité
d’Atanarjuat, les ornementations multiples du conteur
tout au long des veillées et, dans le virtuel d’Avalon,
les arborescences complexes du jeu durant chaque phase de
connection. Mais que racontent donc ces histoires ?
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Dans Atanarjuat,
deux frères, Amaqjuaq, l’homme fort, et Atanarjuat,
l’homme rapide, tentent de réunifier un groupe divisé
sous l’influence d’un mauvais chaman et entre les mains d’Oki,
le fils du chef du campement. Jaloux d’Atanarjuat, auquel
est promise la belle Atuat, Oki attaque les deux frères
durant leur sommeil : il tue Amaqjuaq et laisse pour
mort Atanarjuat, qui n’aura alors de cesse que de se venger
d’Oki et de Puja, sœur d’Oki, dont l’influence négative
sur son frère attise désirs de trahison et d’adultère.
En bon conteur qu’il est, Zacharias Kunuk n’hésite
pas, au terme de ces presque trois heures de récit,
à substituer au bain de sang final et vengeur de la
légende une mise en ban de la communauté des
deux membres destructeurs de l’harmonie du groupe. Après
des siècles de vie à l’écart du monde,
l’évangélisation chrétienne et son culte
du pardon ont en effet atteint le Grand Nord.
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