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Sanjuro, Tsubaki Sanjuro (c) D.R. SANJURO, TSUBAKI SANJURO
d’Akira Kurosawa
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Neuf jeunes épris d’idéal fomentent une rébellion pour mettre un terme à la corruption et délivrer le gouverneur, leur maître à penser. Ils font appel à un samouraï aux manières peu orthodoxes, violent et taciturne. Par sa ruse et tout un arsenal de stratagèmes, il rétablit l’ordre dans un ultime combat de sabres et disparaît à jamais sans laisser de trace ; laissant aux jeunes apprentis une leçon de vie et de morale.

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GAME BOYS

Akira Kurosawa : " La société des samouraïs est très "guindée". Il y avait quelque chose de compassé dans leur mode de vie. Même les ronins gardaient une noble allure dans leur déchéance. Filmer cela n'aboutirait qu'à des images pétrifiées. J'ai donc conçu un samouraï, un ronin échappant totalement à la règle de cette société. En tant que samouraï, il n'y a pas plus sauvage que Sanjuro. Un samouraï qui ne parle que d'argent... c'était un scandale. C'est à l'opposé de l'image que l'on se fait d'un samouraï. Mais dans le film, cette conception du personnage offre de nombreuses possibilités quant aux rythmes et à la composition du champ. Un samouraï comme Sanjuro peut s'asseoir sur un échiquier de Go (échecs) et même sur un autel.. ".

Entretien avec Shirai Yoshio, Shibata Hayao, Yamada Koichi paru dans les Cahiers du cinéma, 1965


  Sanjuro, Tsubaki Sanjuro (c) D.R.

1962 : année non érotique mais celle de la splendeur du western maniériste italien avec un Sergio Leone faisant valser son bel américain mutique Clint dit Eastwood, inconnu de tous (oui, ce temps exista…), Peckinpah déjà avait sévi aux U.S.A à Coups de feu dans la Sierra. Et le Japon dans tout cela ? Eh bien, les films japonais (enfin, ceux d’Akira) se faisaient non bouffer mais digérer par la culture occidentale. Celle qui se dit dominante savait méthodiquement en expulser de bons produits et sans remords, pensez-vous ! Rappelez-vous des Sept Mercenaires (le contretype) de John Sturges. Sans le savoir, par le truchement de TF1 (service public vivant ses dernières heures arrghh) et ce crâne dégarni ô combien érotique de notre ami Yul (Brynner), nous avions le plaisir subliminal d’une immersion dans la société des samouraïs.

Justement, parlons-en de ce samouraï. Il fait un acte politique immense, au nez et à la barbe de tout le monde, sans concession et d’une fulgurance rafraîchissante. Exit la mollesse, le doute, la raison qui nous fait discutailler pour savoir si on a raison de se réunir pour…discuter ! Car l’enjeu est de taille : éduquer nos vaillants et futurs samouraïs à l’école de la pensée et de la chair. Non sans humour et pastiche. Ce qui est remarquable est la visibilité réjouissante du film qui permet à tout un chacun de prendre ce qui nous meut d’une culture dont nous sommes d’une crasse ignorance. Le cinéaste, dans son universalité immédiatement applaudie par la critique internationale en 1954 avec Rashomon (à ce sujet, je vous invite à relire les textes contemporains d’André Bazin Le Cinéma de la Cruauté) nous offre à lire et à voir les valeurs de la ruse, la bravoure, de l’amitié, de la fidélité. Mais aussi la trahison, les manipulations politiques, les tractations marchandes. Alors même qu’il situe l’action de son récit à une époque révolue (le 18ème probablement) et dans un genre codifié : le jidai-geki (nous dirions film à costume, ici à film-kimono, à ce sujet lire l’excellente étude de Cyril Jouhanneau consacrée au film-samouraï) Et pour quoi ? Pour qui ?