S’il y a jeu, il est pour qui ?
Pour Sanjuro ? Son visage se fait de plus en plus grave,
le héros mutique semble touché par ceux qu’ils
côtoient (la gêne éprouvée en
présence des femmes troue le personnage d’une sensibilité
toute féminine paradoxalement.) Il y a là
une filiation secrète avec ce que Nicholas Ray avait
si finement filmé huit ans plutôt, ce rebelle
sans cause qu’incarnait jusqu’à l’extrême et
à en crever James Dean. Une fureur de vivre placée
sous le signe du désenchantement et de la mélancolie.
Sanjuro laisse percevoir cette indicible marque d’une vie
passée dont on ignore tout mais que peut-être
les femmes ont du percevoir. D’où sa très
grande réticence à les regarder, voire leur
parler. Les neufs corps juvéniles, et maladroits
dans leurs finesses, sont comme empesés par la masse
corporelle de Sanjuro. Seules les femmes désarçonnent
ce bloc de granit en proposant d’autres voies, d’autres
pointes de fuite. Et à chaque fois, Sanjuro se fige,
évite leur regard, leur tourne le dos. L’épouse
et la fille du gouverneur distillent un contre-point suave
qui à l’air d’intimider le samouraï. D’où
le rire provoqué par cette inexplicable gaucherie
d’adolescent. Et pourtant ce n’est pas un adolescent.
La dernière scène du film assèche le
dispositif mis en place depuis plus de 90 minutes en une
fulgurance qui fait s’aveugler le spectateur. Nous ne voyons
absolument rien de ce que pourtant nous attendons depuis
le début du film : le combat à mort de
deux samouraïs. C’est le bruit de la lame et le sifflement
du sang qui donne la mesure du drame : il gicle tel
un geyser, tuyau aspergeant de gris un sang trop longtemps
désiré. Le jeu devient amer. Sanjuro ne voulait
pas tuer cet autre, ce prochain qui va jusqu’à le
supplier de le supplicier. Abel et Caïn. Et comme les
neufs naïfs (pour plus très longtemps) nous
ne pouvons qu’assister malheureux à cet immense gâchis.
Toujours la même histoire en 2002.
1985Ran avec Tatsuya Nakadai, Akira
Terao 1965Barberousse
/ Akahige avec Toshirô Mifune, Yuzo
Kayama 1993Madadayo
avec Kyoko Kagawa, Akira Terao 1991Rhapsodie en
août / Hachigatsu no kyoshikyoku avec
R. Gere 1989Rêves
/ Akira Kurosawa's Dreams avec Akira Terao,
Mieko Harada 1980Kagemusha, l'ombre
du guerrier avec Tatsuya Nakadai 1975L'Aigle de la
Taiga / Dersou Ouzala avec Maxime Mounzouk 1970Dodeskaden /
dodes'ka-den avec Yoshitaka Zushi, Hisashi
Igawa 1965La légende
du grand judo de Kurosawa & Uchikawa 1962Sanjuro / Tsubaki
Sanjuro avec Toshirô Mifune, Yuzo Kayama
1961Le Garde du
corps 1961Yojimbo
avec Toshirô Mifune, Kamatari Fujiwara 1958La Forteresse
cachée / Kakushi toride no san akunin 1957Le Château
de l'araignée / Kumonosu jo avec Toshirô
Mifune 1957Les Bas-Fonds
/ Donzoko avec Toshirô Mifune, Ganjiro
Nakamura 1954 Les Sept samouraïs
/ Shichinin no samurai avec Toshirô
Mifune 1952Vivre / Ikiru
avec Takashi Shimura, Makoto Kobori 1951L'Idiot avec
Setsuko Hara, Masayuki Mori 1950Rashomon
avec Toshirô Mifune, Masayuki Mori 1950 Scandale
avec Toshirô Mifune, Takashi Shimura 1949Chien enragé
/ Norainu avec Toshirô Mifune, Takashi
Shimura 1949 Le Duel silencieux
/ Shizukanaru Ketto avec Toshirô Mifune 1948L'Ange ivre
/ Yoidore Tenshi avec Toshirô Mifune,
Takashi Shimura 1943La Légende
du grand judo Sugata sanshiro avec Susumu
Fujita