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Martin Scorsese (c) D.R. MARTIN SCORSESE
ET LA MUSIQUE
Par Alexandre TYLSKI

Remerciements : TraxZone,
ABC-toulouse.net, Sébastien Miguel
et la médiathèque de l’ESAV



Nous n’entrerons pas dans les polémiques et rumeurs entourant les sorties reportées, la durée finale et l’absence d’Elmer Bernstein comme compositeur du dernier film de Martin Scorsese. Gangs of New York est surtout une passionnante proposition audiovisuelle et marque une nouvelle exploration des possibles pour la musique au cinéma. Arrêts sur musique autour du film et retour sur les rapports de Martin Scorsese avec la musique.

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  Gangs of New-York (c) D.R.

Gangs of New York se déroule dans les années 1860. Scorsese, en parfait contrebandier, n’hésite pas à employer des musiques parfois volontairement " anachroniques " avec le récit du film, en compagnie de musiciens aussi divers que Peter Gabriel (déjà compositeur sur The last temptation of Christ, Scorsese 1988), Afro Celt Sound System, Howard Shore (compositeur sur After Hours, Scorsese 1985), U2 ou Jocelyn Pook (à qui l’on doit quelques musiques mémorables dans Eyes Wide Shut, Kubrick 1999). Ces musiques contemporaines offrent indéniablement une autre profondeur de champ émotionnelle à Gangs of New York.

Si visuellement le nouveau film de Scorsese se compose et se décompose en savants arrière-plans (souvent eux-mêmes à " double-fond ") et en perspectives astucieuses, la musique du film, elle aussi, prolonge l’impression d’un espace à multiples tiroirs. Un espace musical fait de plusieurs " arrière-salles ", de plusieurs couleurs et tempos, relie ici, par des orchestrations résolument " post-modernes ", le New York des années 1860, les luttes intestines entre immigrants et natifs, au New York d’aujourd’hui…hélas tout aussi agité. Dans The Age of Innocence (1993), Scorsese avait convoqué de célèbres musiques viennoises allées avec la musique originale et élégante d’Elmer Bernstein. Mais le cinéaste new-yorkais déploie dans Gangs of New York un éclectisme musical beaucoup plus dur et fouillé - allant de musiques irlandaises et de musiques de cabaret à des effets synthétiques " clipesques " et compositions " opératiques. " (1)

Goodfellas (c) D.R.

Encore une fois, la part " d’anachronisme musical " (à première vue) dans Gangs of New York appelle à la profondeur, à ce qui est derrière (ana - "en arrière") , mais aussi à ce qui est projeté en avant (métachronisme) telle l’image de fin annonçant le futur Manhattan, et tel, en un sens, cette porte au tout début du film s’ouvrant violemment d’une caverne cacophonique vers une cité paradoxalement silencieuse. Un mouvement en avant que les protagonistes auront du mal à réguler - rappelant les explications mêmes du réalisateur au sujet d’un de ses films majeurs :

" Dans Goodfellas [1990], la musique fait partie intégrante de l'environnement des personnages, elle fait même partie de ce perpétuel mouvement en avant qui finit par devenir incontrôlable. " (2)

Dans Gangs of New York, la musique pousse en avant, projette, et fait aussi partie intégrante de l’environnement des protagonistes alors même qu’il y a parfois anachronismes, " confusion de dates, attribution à une époque de ce qui appartient à une autre. " (cf. Grand Robert). Mais c’est bien la confusion que Scorsese traque dans son film, confusion des musiques et des sentiments, confusion des origines, des races et même des sexes. La confusion des combats raciaux et des dominations politico-économiques n’a au fond, nous dit-il, pas changé depuis les années 1860 à aujourd’hui. Ces guerres confuses à New York entre des peuples opposés, d’hier au 11 septembre 2001, semblent inextricablement liées. Les musiques ici sont des luttes, et sont mêlées au sang.