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Nous avons gagné ce soir (c) D.R. NOUS AVONS GAGNE CE SOIR
THE SET UP

de Robert Wise
Par Sylvain MILLIOT


SYNOPSIS : A trente-cinq ans, Bill " Stoker " Thompson (Robert Ryan) est un boxeur de seconde zone. Il a depuis longtemps déserté les grandes salles, condamné à disputer des matchs de fin de programme sur des rings miteux. Son épouse Julie (Audrey Totter) aimerait le voir raccrocher les gants. Tiny (Georges Tobias), son manager, croit si peu en son boxeur qu’il conclut, sans lui en parler, un deal avec Tiger Nelson, le jeune challenger que Stoker doit affronter ce soir : contre cinquante dollars, il lui a assure que Stoker se coucherait au troisième round. Mais ce soir, Stoker Thompson jouera un autre match. Ce soir il jouera " le match de sa vie "…

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  Nous avons gagné ce soir (c) D.R.

Drôle de film que Wise fit là, diamant sombre au polissage classique mais aux reflets prophétiques. Raoul Coutard, directeur photo de la Nouvelle Vague (dans les très bons compléments du DVD, avec aussi une version commentée du film par Wise et une remarquable analyse de Vincent Duluc) ne l’envisage-t-il pas d’ailleurs comme un film classique d’avant-garde, annonciateur du néo-réalisme italien et de la Nouvelle Vague ? C’est vrai que l’approche de Wise vaut pour son ascèse, un certain rigorisme oscillant entre artificialisme Hollywoodien (décors soignés, profusion des détails) et une expérimentation à tâtons (absence de musique, travail au noir, excursion hors des studios, variations des cadres). L’ensemble palpite de noirceur, nous entraîne dans une errance nuiteuse en temps réel (début à 21h05, plan inaugural d’une horloge de rue, fin à 22h17, la même horloge bouclant la nuit du combat) où se joueront les destins de boxeurs médiocres. Parmi eux l’anti-héros Smoker Thompson (Robert Ryan, stoïcien) y laissera sa main droite et sa carrière. Car c’est un film de boxe, pur genre de cinéma, mais sans doute le moins boxatoire de ces récits sportifs : l’arène du ring ici est la scène d’une tragédie attique, le lieu d’un dénouement fatal, et Stoker ressemble plus à un héros grec qu’à une gloire populaire triomphant des épreuves du destin comme Rocky. Au contraire, Smoker Thompson alias " Smoke ", est d’emblée le loser absolu, boxeur " carte vermeille " qui attend la fin qu’il aimerait de toute beauté.

A 35 piges, il accumule les défaites, voyage de ville en ville, trimbalant sa dégaine de perdant, accompagné de sa compagne Julie au bord de la dépression. Le film ne s’ouvre pas tout de suite sur Smoke, mais glisse tranquillement vers ce personnage central. Par un plan fabuleux, Wise dans un mouvement de caméra ondoyant, nous présente des spectateurs qui vont voir des matchs de boxe au Ring de Paradise City (l’ironie des néons de la ville éclate : Dreamland, Paradise). Ce sont des matchs moyens de petits boxeurs, en quatre rounds, s’enchaînant comme à l’usine les samedis soirs d’ennui mortel. Wise s’attarde sur quelques personnes qu’on reverra plus tard : une femme qui dit craindre la violence (elle criera " tue le, tue le " lors du combat), un aveugle accompagné de son chaperon qui lui commente les matchs. Puis deux hommes discutent des combats devant l’affiche, parient sur les boxeurs. " Smoker Thompson !  s’exclame l’un, il combattait déjà quand j’étais môme ". Puis une main zèbre le nom de Thompson avec une allumette. C’est le manager de Thompson, petite crapule qui n’a que mépris pour son vieux cheval et qui le vend à la pègre. Derrière le dos de Thompson, il truque le match, arrange le coup avec Little Boy, escroc notoire à l’élégante vulgarité. Persuadé que le vieux Smoke s’effondrera comme d’habitude au 2è round, il ne soucie pas de le prévenir, de lui dire de se coucher. Rayant son nom, il annonce d’emblée que Thompson n’est plus rien ;