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Rachida (c) D.R.

La force du premier film de Yamina Bachir-Chouikh réside dans sa puissance formelle où à chaque instant la cinéaste fait se bifurquer le récit. A la fois pour éprouver tous les ressorts narratifs au nom de la sincérité (scène inoubliable de la mère silencieuse berçant du bout de l’orteil son bébé tenu par une nacelle alors que son mari épicier, silencieusement, rejoint les terroristes intégristes) mais aussi pour rendre sensible une politique du corps. Rachida est un film de la modernité cinématographique, à savoir celle qui, à hauteur de visage, questionne le rapport au monde. Il emprunte à la fois les chemins du réalisme (Alger et ses rues), du suspens (la peur innerve le récit filmique dans sa seconde moitié) de la poésie (la gamine et la lune) où sans cesse le regard de la cinéaste joue la dualité (le grave et le léger, le burlesque et le tragique, la tension et le calme)

Plan rapproché sur une bouche qui se couvre de rouge brillant. L’essentiel se dit dans ce plan d’ouverture où une femme séduisante nous dit sa singularité tout comme sa liberté. Le cinéma a toujours aimé filmer des corps en mouvement, éminemment beaux (tout Hollywood) et celui-ci rejoint l’universel lorsqu’il laisse s’échapper une singularité signifiante. Borzage plutôt que Hathaway, Cassavetes plutôt que Spielberg. Beauté fatale et liberté de parole d’une enseignante d’Alger, le rouge sur ses lèvres promesse de vie et de baisers qui ne viennent jamais. Entourée de jeunes hommes sur son chemin à travers la casbah, Rachida comme on pouvait le croire et l’espérer (naïveté romantique) ne sera pas draguée ni même interpellée sur sa beauté. De même, ce jeune homme qui la suivait chaque jour n’était pas non plus un amoureux transi. Il n’y a plus place à la romance, elle n’est même pas envisageable et cela rend compte, me semble-t-il, d’une vraie tragédie. Rachida le paiera dans son corps. Refusant de poser une bombe dans son école, ces même jeunes hommes qu’elle connaît et qui ont son âge vont froidement l’abattre au ventre.

  Rachida (c) D.R.

Lorsqu’un homme en arrive à tuer une femme au lieu de l’embrasser, quelque chose de terrifiant a lieu. De ce traumatisme inouï, incommensurable (nos fils qui tuent nos filles, leurs sœurs, leurs mères) Yamina Bachir-Chouikh tisse les liens de la vie comme de la mort : la faillite des pères qui ne peuvent accepter que leur fille soit violée, le silence absolu de la communauté repliée sur ses terreurs, l’inaction forcée d’une jeunesse éperdue de vie, l’exclusion des femmes divorcées. Rachida et non Karim ou Omar. C’est bien de la femme, la sœur, l’épouse, la fille dont il est question. Questionner la femme, cela peut paraître désuet, comique ou déplacé sous nos contrées occidentales mais que répondre à la douleur et à l’humiliation de l’homme, ce père qui ne se reconnaît plus dans le regard de sa fille souillée ? Il proclame la vouloir morte pour ne pas subir la honte et la caméra s’attarde avec sensibilité sur ce petit homme (comme échappé d’un film de Pagnol ave sa casquette). Cette attention sur le dos de cet homme qui s’éloigne est tout à l’honneur de la cinéaste permettant à tout un chacun d’éprouver la complexité humaine sans le discours attendu d’une idéologie prétendument égalitaire. Mais surtout Rachida raconte la peur de tout un chacun et le film entier se vit sous la menace d’une autre catastrophe, d’un autre attentat. Dans cette suspension du souffle, le film me bouleverse, car, de ce qui se noue et rejoint nos terreurs enfantines (la mort de nos parents) de la compassion se dit. Où il y a à souffrir avec et peut-être comprendre une histoire de notre Algérie. " Notre ", car de France, ne peut se légitimer, qu’une parole du lien.



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2002
Rachida avec Ibtissem Djouadi, Bahia Rachedi