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Porno Manifesto (c) D.R. EN NOIR
Ovidie, la pornographie
et de la censure d’Etat
Par Frank CARANETTI


La levée de bouclier qu’a provoquée le rapport de Blandine Kriegel, conseillère du Président, qui préconisait de supprimer les œuvres violentes ou sexuellement explicites du petit écran de 7h à 22h30, cache en réalité la part de responsabilité des gouvernements successifs et de leur politique de censure de l’image dans l’appréhension du sexe et de la violence. Entre son " Manifeste Porno " et ses apparitions publiques, retour sur la jeune réalisatrice Ovidie, figure du féminisme " pro-sexe " dont le travail, aujourd’hui mis en cause, marque le fossé entre l’industrie du film pornographique et l’inanité de la censure d’Etat.

  Annabelle Moore (c) D.R.

La question en fâche plus d’un, que le film dit " pornographique " ne s’embarrasse plus des quelques salles des Champs Elysées, ou du boulevard de Strasbourg, à l’entrée du métro Strasbourg Saint-Denis, des salles comme La Scala, ou Paris Ciné. Genre honni, souvent caricatural, de piètre qualité la plupart du temps puisque aujourd’hui réservé quasi-exclusivement au marché de la vidéo, le film pornographique assume pourtant une influence certaine sur le marché, non-seulement sur les " Pink Movies " japonais, ou sur les " roman poruno " de la Nikkatsu, mais également sur les productions dites classiques, et ce jusqu’à la rétrospective que consacrait la Cinémathèque Française à l’acteur réalisateur HPG en 2000.

La législation internationale, anglo-saxonne particulièrement, qui censure et sanctionne les images considérées comme " pornographiques " ou plus largement " évocatrices " au cinéma et à la télévision, a été rapide à comprendre leur danger potentiel. Le fait que le premier cas de censure pour cause d’ " obscénité " (" obscenity ") avéré dans l’industrie du disque date de 1986 seulement avec le disque " FrankenChrist " des Dead Kennedys chez Alternative Tentacles Records témoigne d’une différence de traitement significative entre support audio et audiovisuel tandis que, dès la création du cinématographe en 1895, le film Serpentine Dance présenté à l’Exposition Universelle de Chicago avec l’actrice Annabelle Moore, fit un tel scandale qu’on décidait d’en détruire les bobines quelques années plus tard.

HPG (c) D.R.

Les lois accompagnant les sorties cinématographiques sont rapidement restrictives alors que celles-ci étaient définies par la Cour Suprême américaine comme " business pure and simple " depuis 1915, impropres à subir la censure puisque n’étant pas considérées comme moyen d’expression (1). On considère plus la naïveté du nickelodeon ou des images innocentes qui viennent mourir sur les écrans aménagés dans les foires, que la possibilité, encore embryonnaire, de faire naître des émotions réelles. C’est en 1922, avec le MPPDA (Motion Picture Producers and Distributors of America) de Will H. Hays que commence à s’organiser la censure d’Etat.

Aux USA, le média ne bénéficia donc que de brèves années de liberté avant de se voir contrôlé depuis la pré-production. La pornographie semble aujourd’hui devenue l’une des cibles privilégiées de ce pointage, tout autant que la violence explicite à laquelle elle est irrémédiablement rapportée par les organismes de vérification.

Durant le tournage de Dr. Strangelove qui sortira en 1963, Kubrick lui-même, accompagné de l’écrivain américain Terry Southern, envisagea de tourner un film pornographique à gros budget, non-pas que l’idée de pousser au paroxysme son étude scrupuleuse du rituel amoureux l’eut en rien séduit, mais parce qu’il souhaitait transformer une œuvre violemment sexuelle en produit de consommation courante, passant outre les barrières de consensus social et esthétique, pour remettre l’œuvre artistique au centre de la vie, contre les avis des grands studios, des ligues de vertu ou des nouveaux libertaires, pour apporter la possibilité d’un choix au spectateur, comme tout grand artiste éducateur : l’œuvre finalement confrontée à l’Homme au prix d’une liberté hors du commun (2).