Tsai Ming-Liang, au fil de son œuvre, n’a pas cessé de se pencher sur la question des liens (ceux qui unissent les êtres à d’autres êtres ainsi qu’à tous les éléments qui constituent la vie). Cette recherche, dans son travail, a des résonances multiples. Pas seulement esthétique. Bien que ses réalisations ne laissent volontairement presque rien entrevoir de ce choix (plus les choses sont importantes moins elles sont visibles), elle en constitue aussi le versant politique.

En s’appuyant uniquement sur la description du comportement humain, il établit une critique acerbe de la société taiwanaise (19) mais son point de vue, décliné de façon très réaliste avec beaucoup de pudeur, de cocasserie, s’oppose à tout dogmatisme. Il ne constitue pas une remise en question mais une tentative sans cesse renouvelée de détachement (ultime chance de salut ? la seule voie pouvant permettre d’accéder encore à l’essentiel ?).

Cette démarche est à l’origine des scénarios et des mises en scène les plus inspirés que le cinéma nous ait offerts depuis maintenant dix ans. Tout comme la relation que le cinéaste entretient avec ses comédiens (20), elle témoigne d’une profonde humanité.

Son univers cinématographique (une succession d’images stylisées, un enchevêtrement d’actions sans pathos, intimement liés, malgré les apparences, à « la vraie vie ») stimule la réflexion, distille en permanence une sensation troublante de calme, de sérénité comme un mandala, une estampe, les motifs d’un papier peint, parfois, dans une chambre d’hôtel (21).