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The Hours (c) D.R. THE HOURS
de Stephen DALDRY
Par Nicolas JOURNET


SYNOPSIS : Dans la banlieue de Londres, au début des années vingt, Virginia Woolf entame l'écriture de Mrs Dalloway, le roman de sa vie. A Los Angeles, peu après la fin de la Seconde guerre mondiale, Laura Brown, une jeune mère de famille enceinte de son deuxième enfant, commence à lire ce même roman. A New York, aujourd'hui, Clarissa Vaughn, organise une réception pour célébrer le prix littéraire obtenu par Richard, l'un de ses anciens amants. Richard, atteint du sida, qui l'appelle parfois Mrs Dalloway. Trois femmes, trois époques, trois journées... Une description de la condition féminine en forme de tryptique.

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24 HEURES DE LA VIE D’UNE FEMME

  The Hours (c) D.R.

Les portraits croisés ont décidément le vent en poupe. Du Magnolia de Paul Thomas Anderson à la trilogie de Lucas Belvaux, du Short Cuts de Robert Altman au Time Code de Mike Figgis, le cinéma contemporain apprécie particulièrement la mise en parallèle d'histoires individuelles. Les longs-métrages répondant à ce modèle ont des allures de films de groupe, mais n'en sont pas vraiment. Ils ne décrivent pas la vie d'une famille ou d'un cercle d'amis dont chaque membre serait suivi dans son intimité, mais juxtaposent le quotidien de personnages dont rien ne semble justifier le rapprochement narratif. Pourtant, au fil du récit, les différentes destinées finissent par se répondre, par se révéler plus imbriquées qu'il n'y paraissait à première vue.

The Hours, le deuxième film de Stephen Daldry après le bondissant Billy Elliot, se range dans cette catégorie de films. A priori, les trois personnages centraux du film n'ont pas beaucoup de points communs. Virginia Woolf traîne son désespoir existentiel dans une Angleterre victorienne peu réceptive à ses tourments psychologiques et à ses attitudes de femme libérée. Il suffit de voir le comportement de ses deux servantes pour comprendre que l'écrivain anglais ne correspond pas à la norme de l'époque. Les deux domestiques expriment parfaitement avec leurs remarques fielleuses et leurs moues de mépris combien Virginia Woolf se distingue de ses contemporaines. Nicole Kidman dans le rôle de ce pur génie littéraire est en état de grâce et sa prestation hors normes fut logiquement saluée d'un Oscar.

The Hours (c) D.R.

Laura Brown, le deuxième personnage principal du film par ordre d'apparition, n'a rien d'une Virginia Woolf. Cette mère d'un petit garçon mariée à un ancien GI est à peu près aussi émancipée que Tony Blair vis-à-vis de George Walker Bush. C'est-à-dire très très peu. Le quotidien de cette femme est fait d'une succession de tâches ménagères sans charme dans un appartement sans attrait d'un quartier pavillonnaire de Los Angeles. Elle a bien quelques amies, une surtout (Toni Colette) qui vient lui parler tous seins dehors de sa grosseur à l'utérus. Mais personne à qui confier sa tristesse, personne qui comprenne que le moule construit par une société à forte connotation machiste, dont contrairement à Virginia Woolf elle n'est pas parvenue à s'extirper, lui pesait au point de considérer le suicide comme la meilleure des solutions. Julianne Moore dans le rôle de cette modeste mère de famille est en tout point remarquable et son interprétation méritait l'obtention d'une statuette pour le titre de meilleur second rôle féminin.

La troisième héroïne du film de Stephen Daldry, Clarissa Vaughn, ne ressemble pas vraiment à ses deux camarades de fiction. Elle vit à notre époque dans un appartement cossu de New-York et gravite dans le milieu intellectuel huppé de la ville américaine. Clarissa vit depuis sept ans avec Sally, mais l'entente entre les deux femmes n'est plus ce qu'elle était. Se sentant délaissée Sally découche. Clarissa observe sans réagir les manèges matinaux de son amante, tentant maladroitement de dissimuler ses absences nocturnes. Elle s'interroge bien trop elle-même sur ses sentiments pour blâmer sa compagne. Vingt ans auparavant, Clarissa a vécu une aventure courte mais passionnée avec Richard devenu par la suite un poète de renom. Elle ne s'en est jamais véritablement remise, se demandant si cet homme ne lui aurait pas apporté le bonheur qui lui fait depuis défaut. Dans le rôle de cette femme en pleine crise de la quarantaine, Meryl Streep démontre une nouvelle fois que son statut de très grande actrice est loin d'être usurpé et que son César d'honneur obtenu il y a quelques semaines est tout à fait mérité.