SYNOPSIS :
Un jour de grand bal au Palais de l'Ermitage. Dans la cohue,
malgré sa caméra, l'Espion parvient à se faufiler. A l'étage
inférieur, il rencontre le marquis de Custine, tout droit sorti
du XIXe siècle. les deux compères se lient d'amitié et s’élancent
alors dans une traversée des siècles et des styles de peinture:
un voyage dans le temps où ils croiseront en chemin les musiciens
Italiens de la Graned Catherine puis de tristes fonctionnaires
de la culture soviétique. |
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Retour sur le film L'Arche russe d'Alexandre
Sokourov à l'occasion de la sortie du DVD, aux Editions Montparnasse
(www.editionsmontparnasse.fr).
Vous pourrez notamment y découvrir un Making-of du film de 42
minutes (en VOST).
ACADEMISME VIRTUOSE, ET VAIN ?
PARADOXE DU "DISPOSITIF"
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Le dernier film de Sokourov pose de manière
frappante la question des rapports de subordination entre
l’acte de montrer et la manière de filmer, voire dans le cas
précis de ce film, le dispositif de monstration. Dans
ce film, le cinéaste n’offre pas tant un regard particulier
sur le monde, sur un fragment de réalité que personne d’autre
n’aurait vue ou souhaité regarder jusqu’ici, qu’une idée conceptuelle,
proche des dispositifs chers à une certaine branche de l’art
contemporain. Si le film a fait du bruit, lors du festival
de Cannes 2002, c’est ainsi avant tout parce qu’il s’agit
d’un plan unique d’une heure trente tourné dans le musée de
l’Ermitage à Saint Petersbourg. Comme le cinéma argentique
traditionnel n’est pas en mesure de filmer un plan aussi long
(à cause de la durée des bobines de tournage 35 mm, limitée
à 12 minutes), le film-plan a été tourné en une prise unique,
avec une caméra numérique haute définition et enregistré directement
sur un disque dur.
Certes, on pourrait imaginer au début de l’Arche Russe
que l’idée (plutôt audacieuse) de cette manière de filmer
n’est en rien contradictoire avec le fait de montrer
quelque chose de l’histoire russe. Cependant, au fil de ce
plan-film virtuose, un doute naît peu à peu : la lourdeur
colossale du dispositif n’est-elle pas précisément ce qui
empêche que quoi que ce soit de vivant et d’inattendu nous
soit montré ; un tel plan n’induit-il pas presque nécessairement
la reconstitution théâtrale un peu triste que nous avons sous
les yeux et dont nous sentons bien à chaque instant qu’il
s’agit non de personnages ou même de fantômes mais de figurants
patiemment synchronisés par 22 (sic) assistants à la mise
en scène.
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Cette notion de “ dispositif ”
mérite d’être éclaircie car elle a pu être employée à juste
titre pour évoquer une mise en scène de cinéma. On peut
se souvenir par exemple du travail de Roberto Rossellini sur
le tournage de Stromboli : aux côtés d’Ingrid
Bergman qui incarne le personnage principal, il choisit de
filmer les pêcheurs de l’île de Stromboli dans leur propre
rôle et de créer un contraste discret mais étonnant entre
le jeu cinématographique d’une star internationale et la forte
présence des pêcheurs qui eux ne “ jouent ” pas,
même s’ils ont conscience de la présence de la caméra. Dans
un contexte où la majorité des films étaient “ joués ”
par des comédiens professionnels, cette idée de mise en scène
a pu être analysée comme un dispositif visant à capter la
réalité d’une situation. À des acteurs jouant les pêcheurs,
Rossellini préfère les pêcheurs eux-mêmes puisqu’il s’agit
de la justesse des gestes, des quelques mots brefs, des regards
et des visages. Ce dispositif-là concerne donc précisément
le rapport du cinéaste (de sa mise en scène) à ceux qu’il
filme.
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