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L'Arche russe (c) D.R. FESTIVAL DE CANNES 2002
Compétition Officielle

L’ARCHE RUSSE
d’Alexandre Sokourov


Par Philippe CHAPUIS


SYNOPSIS : Un jour de grand bal au Palais de l'Ermitage. Dans la cohue, malgré sa caméra, l'Espion parvient à se faufiler. A l'étage inférieur, il rencontre le marquis de Custine, tout droit sorti du XIXe siècle. les deux compères se lient d'amitié et s’élancent alors dans une traversée des siècles et des styles de peinture: un voyage dans le temps où ils croiseront en chemin les musiciens Italiens de la Graned Catherine puis de tristes fonctionnaires de la culture soviétique.

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Retour sur le film L'Arche russe d'Alexandre Sokourov à l'occasion de la sortie du DVD, aux Editions Montparnasse (www.editionsmontparnasse.fr). Vous pourrez notamment y découvrir un Making-of du film de 42 minutes (en VOST).


ACADEMISME VIRTUOSE, ET VAIN ?

PARADOXE DU "DISPOSITIF"


  L'Arche russe (c) D.R.

Le dernier film de Sokourov pose de manière frappante la question des rapports de subordination entre l’acte de montrer et la manière de filmer, voire dans le cas précis de ce film, le dispositif de monstration. Dans ce film, le cinéaste n’offre pas tant un regard particulier sur le monde, sur un fragment de réalité que personne d’autre n’aurait vue ou souhaité regarder jusqu’ici, qu’une idée conceptuelle, proche des dispositifs chers à une certaine branche de l’art contemporain. Si le film a fait du bruit, lors du festival de Cannes 2002, c’est ainsi avant tout parce qu’il s’agit d’un plan unique d’une heure trente tourné dans le musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg. Comme le cinéma argentique traditionnel n’est pas en mesure de filmer un plan aussi long (à cause de la durée des bobines de tournage 35 mm, limitée à 12 minutes), le film-plan a été tourné en une prise unique, avec une caméra numérique haute définition et enregistré directement sur un disque dur.

Certes, on pourrait imaginer au début de l’Arche Russe que l’idée (plutôt audacieuse) de cette manière de filmer n’est en rien contradictoire avec le fait de montrer quelque chose de l’histoire russe. Cependant, au fil de ce plan-film virtuose, un doute naît peu à peu : la lourdeur colossale du dispositif n’est-elle pas précisément ce qui empêche que quoi que ce soit de vivant et d’inattendu nous soit montré ; un tel plan n’induit-il pas presque nécessairement la reconstitution théâtrale un peu triste que nous avons sous les yeux et dont nous sentons bien à chaque instant qu’il s’agit non de personnages ou même de fantômes mais de figurants patiemment synchronisés par 22 (sic) assistants à la mise en scène.

L'Arche russe (c) D.R.

Cette notion de “ dispositif ” mérite d’être éclaircie car elle a pu être employée à juste titre pour évoquer une mise en scène de cinéma.  On peut se souvenir par exemple du travail de Roberto Rossellini sur le tournage de Stromboli : aux côtés d’Ingrid Bergman qui incarne le personnage principal, il choisit de filmer les pêcheurs de l’île de Stromboli dans leur propre rôle et de créer un contraste discret mais étonnant entre le jeu cinématographique d’une star internationale et la forte présence des pêcheurs qui eux ne “ jouent ” pas, même s’ils ont conscience de la présence de la caméra. Dans un contexte où la majorité des films étaient “ joués ” par des comédiens professionnels, cette idée de mise en scène a pu être analysée comme un dispositif visant à capter la réalité d’une situation. À des acteurs jouant les pêcheurs, Rossellini préfère les pêcheurs eux-mêmes puisqu’il s’agit de la justesse des gestes, des quelques mots brefs, des regards et des visages. Ce dispositif-là concerne donc précisément le rapport du cinéaste (de sa mise en scène) à ceux qu’il filme.