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Spike Lee (c) D.R. REDECOUVRIR L’AMERIQUE
Sur le cinéma de Spike Lee


Par Jean-Michel WINGERTSMANN


En attribuant à cet article un titre analogue à celui qu’avait dédié Eric Rohmer au cinéma américain des années 50, je veux montrer que Spike Lee est le digne héritier de cette génération de cinéastes qui a marqué l’histoire du 7ème Art. Son cinéma s’affirme comme le miroir social d’une Amérique hantée par les résurgences de ses afflictions historiques, il filme comme le témoin d’une société dont le passé est à restituer à son peuple. Son œuvre est une métaphore de l’évolution des Etats-Unis. 

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  Malcom X (c) D.R.

Alors que John Ford filme dans My Darling Clementine la fondation épique de ce continent, Lee retrace la renaissance de la communauté afro-américaine. Faut-il chercher à comprendre Spike Lee à travers l’Amérique ? Ou bien redécouvrir l’Amérique par le prolongement de son cinéma ?

Adulé ou haï pour les idées radicales qu’il véhicule au travers de ses films, il pâtit d’un a priori négatif : franc, raciste, arrogant, colérique, antisémite, inquisiteur sont les adjectifs que l’on lit régulièrement dans la presse à son propos. Il apprécie la controverse et adore déplaire à l’Hollywood politiquement correct, ce qui lui vaut d’être honni par certains médias et de faire partie de ceux qu’on préfère détester. Auréolé du succès de Malcolm X, il tint des propos virulents contre les WASP et subit une avalanche de critiques. Certains refusent encore de le considérer comme l’un des cinéastes majeurs du patrimoine cinématographique américain. Auteur le plus prolifique de sa génération, son œuvre est indéniablement sous-estimée et réduite à n’être que l’avant-garde d’un cinéma afro-américain moribond. S’il a ouvert la voie à la nouvelle vague de jeunes réalisateurs que sont John Singleton, Albert et Allen Hughes, Matty Rich, Darnell Martin, Ernest Dickerson, il est aussi inquiet de l'évolution que prend ce cinéma, selon lui : « relégué à trois genres : la comédie romantique, la comédie vulgaire et les films « drogue-gangster-hiphop-violence ». C'est ce que les studios achètent, dit-on aux scénaristes noirs. Cela impose des limites aux acteurs, aux rédacteurs, aux auditoires. Le Festival de Sundance n’est plus que l’antichambre de l’Académie des Oscars, Miramax joue le rôle  de cheval de Troie d’Hollywood alors que les Majors et les indépendants utilisent des stratégies d’alliances communes, uniformisant ainsi une partie du cinéma. Les « ex-contrebandiers » que sont Soderbergh, Gus van Sant, Curtis Hanson, Paul Thomas Anderson, succombent aux sirènes des grands studios et ne sont plus dorénavant que des réalisateurs « main stream ». Spike Lee, de son coté, fait figure d’exception en tant que réalisateur indépendant (1). Evoluant à la frontière du système, il a bouclé la majeure partie de ses films avec un budget limité. Get on the Bus à été entièrement financé, à hauteur de 2,5 millions de dollars, par des stars de la communauté Noire (Will Smith, Wesley Snipes ) ou bien She’s Gotta Have It, réalisé pour la somme de 175 000 dollars. Même sur la super-production Malcolm X, si Spike Lee a exigé de la Warner une durée au moins égale au JFK d'Oliver Stone (190 minutes) et des moyens équivalents avec un budget de 28 millions de dollars, pour pouvoir boucler le tournage il dut renoncer aux deux tiers de son salaire et fit appel aux subsides de ses amis (Bill Cosby, Oprah Winfrey, Magic Johnson et Michael Jordan).