Permettez-moi de dire ici que l'excitation
qui entoure le design et le visuel de Matrix me fait
bien rire : dans vingt ans tout au plus, les lunettes noires
et le manteau de Keanu Reeves feront s'esclaffer la galerie,
tandis que ses coups de pied arrêtés paraîtront
le comble de la niaiserie. De même tout le monde fanfaronne
autour de la magnificence du Seigneur des Anneaux,
mais que diable, Peter Jackson n'a rien inventé ! Il
se contente d'être l'excellent chef d'orchestre d'un
univers visuel qui l'a précédé.
George Lucas, lui, peut se targuer d'avoir inventé
un mythe qui dépassera toujours de loin Matrix,
Spiderman et consorts. Pouvez-vous me faire croire
que l'agent Smith et le Bouffon vert font le poids face au
charisme de Vador ?
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Certes Star Wars n'a jamais été
irréprochable du point de vue des dialogues et de la
mise en scène, mais il faut comprendre que Lucas a
toujours envisagé ces films comme des films muets.
Il considère, par conséquent, que la musique
y est bien plus importante que les dialogues. Or la musique
de John Williams est tout simplement grandiose. Comme dans
un opéra de Wagner, chaque personnage possède
son propre thème qui évolue au cours de la saga,
comme évoluent les thèmes du mal et de la déchéance
(le fameux thème de l'Empire). Avec l'alliance des
images de Lucas et de la partition de Williams, Star Wars
prend toute son ampleur de space opera, au sens le plus propre
du terme.
Les images de la nouvelle trilogie sont particulièrement
fascinantes, travaillées dans les moindres détails,
nuances de couleurs et de lumières comme des peintures
de Rembrandt (voir la chevauchée splendide d'Anakin
dans le désert rougeoyant de Tatoïne ou le duel
avec Dooku lorsque leurs deux visages sont simplement éclairés
par leurs sabres laser).
Un autre aspect de Lucas tout autant attirant
et intéressant même s'il est décrié
par certains est le conflit qui l'anime entre ses intérêts
financiers et ses talents de visionnaire. Il est à
la fois celui qui investit dans la protection des oeuvres
cinématographiques et met son ranch et ses moyens de
postproduction à disposition d'autres cinéastes
comme Coppola ou Scorsese, et celui qui cherche à tout
prix à placer un Jar Jar Binks dans l'Episode I
pour pouvoir attirer un jeune public et vendre des figurines.
Cette manie atteint parfois le ridicule, notamment lorsqu'il
décide de ne pas faire mourir Padmé dans l'Episode
III à venir parce qu'il prévoit de vendre
des milliers de livres relatant ses aventures.
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