CHUTES
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Eyes Wide Shut aura
été l'occasion pour Kubrick de faire montre d'une grande et
subtile virtuosité technique dans le rendu de l'atmosphère,
entre rêve et réalité. Les images sont superbes, granuleuses
comme des photos (on sait que Kubrick a débuté comme photo
reporter), les couleurs sont tantôt fades, floues, tantôt
d'une extraordinaire netteté (le contraste entre les scènes
d'intérieur et le New York nocturne est saisissant), New York
de nuit, d'une rare beauté, est l'espace dans lequel Bill
va évoluer, dans des rues humides, où l'opposition du coloré
et du sombre n'a jamais été à la fois aussi évidente et aussi
troublante ; et une scène d'orgie, dans un château - Seigneur
! ce château...
L'orgie, le château, c'est visuellement le point culminant
du film : toutes les qualités esthétiques y sont ramassées,
mais d'une manière si parfaite et si évidente que l'impression
s'impose que Kubrick a fait ce film uniquement pour tourner
cette scène inoubliable. Imaginez donc : un château, tout
ce qu'il y a de plus européen, en dehors de N.Y., un château
sadien, on s'en doute, des tentures, des rideaux, des pierres,
des rayonnages, le tout dans des notes de noir et de rouge
vermeil (et le grain, toujours ce grain, jamais il ne meurt
dans ce film) ; un mot de passe à répéter deux fois, à deux
personnes différentes, car on ne rentre pas si facilement
dans une soirée comme celle-là, elle exige le secret et le
silence ; des gens tout de noir vêtus, capés et masqués, façon
Commedia dell'arte, superbes de classicisme et prodigieux
de mystère et de sous-entendus ; un maître de cérémonie, à
la cape rouge sombre et au masque d'or – cardinal païen. Et
l'orgie, hypothétique résurrection de la société secrète
d'Acéphale, qui débute comme un rite initiatique, soutenue
par la parole du cardinal, psalmodiée comme une incantation,
relayée par une musique glaçante et superbe, et qui se termine
par un déchaînement de passions... Les personnages de cette
orgie, on les imagine notables, aisés, respectés, mariés,
pères le jour, capés et masqués la nuit, prêts à la débauche...
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1) L'affiche montre
un titre et une image mutuellement contradictoires
: alors que les yeux sont dits être fermés en
grand, on voit un œil ouvert.
2) Ces images, sont-elles
des fantasmes ou des souvenirs ? qui les imaginent ?
Kubrick laisse planer le doute : ni totalement
vraies, ni complètement fausses - virtuelles.
3) Tout de même, difficile
de se départir de cette impression que si rien
n’a été consommé, alors il ne s’est rien passé.
Et effectivement, la nuit passe, on se réveille
- et si tout cela n’était qu’un rêve, un mauvais
rêve ? et si rien n’était « vrai » ?
et si c'était un rêve, « rien qu'un rêve »
? La frontière entre rêve et désir est décidément
ténue...
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1998 Eyes Wide Shut avec Tom Cruise,
Nicole Kidman
1987 Full Metal Jacket
avec Matthew Modine
1980 Shining / The Shining
avec Jack Nicholson, Shelley Duvall
1975 Barry Lyndon avec
Ryan O'Neal, Marisa Berenson
1971 Orange mécanique / A Clockwork
orange avec Malcolm McDowell
1968 2001 : l'odyssée
de l'espace avec Keir Dullea, Gary Lockwood
1963 Docteur Folamour
avec Sterling Hayden
1962 Lolita avec
James Mason, Sue Lyon
1960 Spartacus de Stanley
Kubrick, Anthony Mann
1957 Les Sentiers de la gloire
avec Kirk Douglas, Ralph Meeker
1956 L'Ultime razzia
/ The Killing avec Sterling Hayden, Coleen Gray
1954 Le Baiser du tueur
/ Killer's kiss avec Jamie Smith, Irene Kane
1953 Fear and desire
avec Frank Silvera, Kenneth Harp
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