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Le visage n’est qu’un reflet
fantomatique, un miroitement dans l’eau est en réalité une
forêt, un corps ami n’est que le cache d’une réalité végétale,
le vide est le réceptacle du plein, le plein celui du vide.
Le regard de Christopher Walken dans King of New York
reflète-t-il une âme ? Ces yeux enfoncés au plus profond des
orbites semblent indépendants du visage qui les porte, on
leur approprie joie, colère, douleur, selon l’expression que
prend le visage : ils sont pourtant immuables et fixes,
semblant vouloir nous hypnotiser, nous dominer, comme ils
dominent les corps du film. Plus que son flingue, ce sont
les yeux de Walken qui vous saisissent.
S’il existe un corps paradoxal chez Ferrara, dont les frères
et sœurs sont Asia Argento dans New Rose Hotel, Vincent
Gallo dans Nos Funérailles, Zoé Tamerlis dans L’ange
de la vengeance, c’est bien celui de Christopher Walken,
improvisant des pas de danse dans les trois films tournés
ensemble (King of New York, Nos Funérailles
et New Rose Hotel)un corps à la fois imposant et fragile,
qui menace de s’écrouler à tout instant et qui fait preuve
pourtant d’une étonnante force, d’un instinct de survie qui
ira jusqu’au suicide de New Rose Hotel. Le jeu de l’acteur
est perpétuellement mis en abîme : son visage grave révèle
la joie, un trait d’humour se trouve être une menace de mort.
Les personnages de Walken vivent dans un jeu qui ne finit
qu’avec la mort toujours grandiose : l’infirme qui laisse
sa cane tomber à terre pour sauter dans le vide majestueusement
crée un numéro de cirque grandeur nature, bluffant les spectateurs
comme les personnages devenus spectateurs. Walken est un spectacle.
La seule vue de son visage mouvant et de son corps mystérieusement
élastique suffit à structurer le film tout entier. Il crée
lui-même les rebondissements au sein de son propre corps.
Son personnage joue avec son environnement comme l’acteur
avec son personnage.
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Ce corps paradoxal, Ferrara
le dévoile dans King of New York alors que son personnage
sort de prison : de retour « chez lui », il
prend une douche qui le révèle à nous et le fait revenir à
la vie. Cette scène, loin de ne constituer qu’une métaphore,
est un moment particulier du film, de l’œuvre de Ferrara et
de la carrière de Walken. Étrangement lente, la caméra glisse
sur le corps pour une fois décontracté de Walken, abandonné
à la caméra comme à ce moment de délassement du personnage.
La tête part en arrière, les yeux se ferment et le corps tout
entier apparaît dans sa vulnérabilité, loin de la raideur
hystérique et du contrôle habituel. Il semble que Ferrara
n’avait jamais et n’a jamais plus filmé un corps nu de cette
façon, avec tant de pudeur et de respect.
INDIFFERENCE
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Si Ferrara est loin d’être
indifférent, investissant ses personnages de sentiments forts
et vrais bien qu’erronés, est-ce le mal qui frappe indifféremment ?
Peut-on même parler de mal ? Faut-il oublier toutes les
notions de bien et de mal pour entrer dans un film de Ferrara
ou au contraire les garder en tête ? Si aucun jugement
ne semble être proféré par le cinéaste, on ne peut pour autant
pas croire à son indifférence, car la souffrance est là, immanquablement.
On souffre pour les deux camps, quels qu’ils soient. Cette
vision de l’humanité, Ferrara la développe sur un thème universel
qu’il fait sien dans China Girl : Roméo et Juliette,
dans lequel les personnages, pour accepter l’anamorphose de
leurs deux corps, l’hybridation de leurs cultures, meurent
en pleine rue comme des fantômes, comme si leurs corps et
leurs identités mêlés n’avaient jamais existé.
Ferrara, incurable romantique ? Humain en souffrance,
dans tous les cas, au vu des idéaux erronés et des destins
arrêtés de ses personnages. L’humain cache en lui des secrets
qui le mènent à sa perte.
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2001 Christmas /
R'Xmas avec Drea De Matteo,
Lillo Brancato Jr.
1998 New Rose
Hotel avec Asia Argento, Christopher
Walken
1997 The Blackout avec Dennis
Hopper, Matthew Modine
1996 Nos funérailles /
The Funeral avec C. Walken, Vincent
Gallo
1995 The Addiction avec Christopher
Walken, Annabella Sciorra
1993 Snake Eyes /
Dangerous Game avec Harvey
Keitel, Madonna
1992 Body Snatchers avec Terry
Kinney, Meg Tilly
1992 Bad Lieutenant avec Harvey
Keitel, Frankie Thorn
1990 The King
of New York avec Christopher
Walken, Victor Argo
1989 Cat chaser avec Peter
Weller, Kelly McGillis
1987 China girl avec James
Russo, Richard Panebianco
1984 Fear city avec Tom
Berenger, Billy Dee Williams
1981 Ms. 45 avec Zoë
Lund, Albert Sinkys
1980 L' Ange
de la vengeance / Angel of vengeance
1979 The Driller
killer avec Abel Ferrara, Carolyn
Marz
1976 Nine lives
of a wet pussy avec PaulineLaMonde,
Abel Ferrara
1976 Marie-Madeleine de Abel
Ferrara
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