Un vivant oscillant entre la mort et
la liberté. Car rien ne nous garantit son retour sur l’écran.
Il garde son opacité. A la limite, Charlot est une vierge. Je
crois qu’il est ontologiquement neuf, à chaque histoire. Son
corps innocent, sans tâche, se régénère à chaque plan. Il ne
revit pas, il vit autre chose, toujours pour la première fois.
Il est cette transparence et cet obstacle, titre éponyme de
l’étude passionnante de Jean Starobinski consacrée à Jean Jacques
Rousseau. Je voudrais donner deux citations afin de proposer
un chemin, une filiation : “Ce besoin est multiple : ce qu’il
cherche, c’est bien la vérité, mais c’est aussi l’ivresse de
la tension héroïque, et la gloire qui couronnera cet héroïsme.
Le besoin essentiel, cependant, semble être celui de s’installer
dans une identité à toute épreuve (...) Rousseau force la réalité,
pour composer le mythe de son existence”. (4)
1)Ma
Vie de Charlie Chaplin, ed. Presses
Pocket-Robert Laffont Paris 1983 2)Les
Confessions de Jean-Jacques Rousseau, ed.
de J.Voisine Garnier Classique, lire le
passage où l’auteur-narrateur raconte l’instant
fatidique où tout bascula pour lui, lors
de sa promenade à Vincennes, Livre Huitième
pages 415, 416 et 417 3)
Emmanuel Levinas, Entre Nous, Essai
sur le penser-à-l’autre p.23, ed. Grasset
et Fasquelle 1991 4)
Jean Starobinski Jean-Jacques Rousseau
: la transparence et l’obstacle, pp.63/
72, ed tel Gallimard 1991