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Chacune de ces “ qualités ” sera
à l’origine de ses déboires et permettra de mettre en relief
un aspect de ce fascisme quotidien, presque naturel :
le fait d’entrer dans la catégorie d’“ étrangère ”
la soustrait à la loi commune, lui ôte tout droit : personne
n’hésitera par exemple à la faire travailler dans des conditions
indignes car, pour les habitants, elle est littéralement quelqu’un
“ d’une autre espèce ”. Et si on peut tout se permettre
avec elle, c’est d’abord parce qu’on est parvenu à instituer
cette “ différence de nature ” entre elle et les
autres, - propre aux idéologies qui ne peuvent supporter l’idée
d’un genre humain unifié, il faut le subdiviser, le hiérarchiser,
mais c’est surtout parce qu’elle n’est pas en mesure de se
défendre. Son statut de fugitive la met en effet à la merci
de ses braves gens ordinaires, ses bourreaux. Leur pouvoir
est exactement celui qui caractérise le fascisme selon
Mikhail Romm : c’est cette lâcheté collective de la meute
qui, sûre d’elle-même, s’en prend à l’individu isolé et différent,
sans défense. La question sexuelle (Grace sera violée plusieurs
fois) sous-tend l’ensemble de ce phénomène qui allie lâcheté
et pouvoir. Ce que l’on devine dès les premiers chapitres
du film, c’est que la cohésion sociale de ce microcosme repose
en fait sur un ensemble complexe de frustrations fatalement
acceptées au nom de l’ordre établi - et parmi lesquelles les
frustrations sexuelles ne sont pas les moindres. Dès lors,
la venue de l’étranger représente une sorte de “ soupape ”,
d’exutoire aux frustrations imposées par la communauté (vivre
avec une femme ou un homme que l’on n’aime pas forcément,
supporter un travail désagréable ou sans intérêt, se surprendre
à haïr l’étroitesse du village…), enfin, avec lui, on peut
tout se permettre avec la bénédiction du groupe.
Réduire, comme d’aucuns l’ont fait, le film à une dénonciation
primaire des Etats-unis est tout simplement stupide. Le contexte
est certes américain, mais le dispositif insiste à chaque
seconde sur son caractère universel sinon universalisable,
c’est de l’humanité dans son ensemble dont il est ici question
et la force du film en découle. Point n’est besoin d’aller
aux Etats-Unis (même si là-bas la situation n’est sans doute
guère différente) pour trouver des femmes et des hommes, des
groupes entiers, subissant d’une manière ou d’une autre le
sort de Grace. Ces concepts “ d’étranger ”, de “ communauté ”,
de “ famille ” sont plus que jamais vivaces en Europe
et tout porte à croire, contrairement aux espoirs de Romm,
qu’un avenir radieux s’ouvre à eux.
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2003 Mandalay avec Nicole Kidman
2002 Dogville avec Nicole Kidman, Paul Bettany
2000 Dancer in the dark avec Björk, Catherine Deneuve
1997 The Kingdom II, 1re partie avec Ernst-Hugo Jaregard
1997 The Kingdom II, 2e partie avec Ghita Norby
1996 Breaking the waves avec Emily Watson, Stellan Skarsgard
1994 1994 L' Hôpital et ses fantômes avec Ernst-Hugo Jaregard
1994 The Kingdom avec Ghita Norby, Udo Kier
1990 Europa avec Jean-Marc Barr, Barbara Sukowa
1988 Médée
1984 Element of Crime avec Michael Elphick, Me Me Lei
1982 Images d'une libération
1982 Dimension avec Udo Kier
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