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Swimming Pool (c) D.R. SWIMMING POOL
de François Ozon

LES COTELETTES
de Bertrand Blier
Par Saad CHAKALI
à Lyon le 30 mai 2003


Petit aperçu en forme de mise au point de la sélection française en compétition officielle du Festival de Cannes 2003, en deux temps (Swimming Pool du sémillant François Ozon et Les Côtelettes du vieux routier Bertrand Blier) et trois mouvements (la phobie du réel, l’imaginaire ankylosé, et l’égotisme du petit commerce de cinéma autocentré), ou : comment le cinéma français se mord la queue et n’arrive à rien à force de complaisance, de suffisance et de contentement cynique

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SWIMMING POOL
Petite surface fermée pour inventaire

« (…) car le jouir du corps comporte un génitif qui a cette note sadienne (…), qui dit qu’en somme c’est l’Autre qui jouit »  Jacques Lacan, Encore, Séminaire, Livre XX, Seuil, 1975, p.33

  Swimming Pool (c) D.R.

C’est ce qu’il pouvait arriver de pire à Ozon. Après avoir joué dans Huit Femmes (2001), à la fois puérilement (un pur et simple jeu de formes à l’ingéniosité inconséquente : une sorte de miniaturisation publicitaire du cinéma conceptuel d’Alain Resnais) et à la fois servilement (en donnant la soupe professionnellement à des professionnelles de la profession aguerries – Danièle Darrieux, Catherine Deneuve, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart – ou en passe de le devenir – Ludivine Sagnier), des codes de l’existence et de l’exposition de la star (c’est le lourd référentiel au cinéma hollywoodien des années 40 et 50), de son usage localisé (c’est le programme des clins d’œil appuyé au cinéma français des années 60 à 90) et de son actuelle pertinence pour le moins problématique (Huit Femmes, dans sa facture superlativement artificielle, faisait semblant d’y croire pour faire plaisir à ses actrices dans le supposé entretien de leur aura mais surtout pour installer son auteur au centre névralgique du cinéma français), le cinéaste avec son nouvel opus renouvelle l’opération de simulation et de réduction mais ici avec son propre (petit) univers, Swimming Pool étant une œuvre complètement ossifiée, pauvre petite machine fantasmatique tout juste bonne à être entretenue à l’image de son objet-titre et dont le squelette esthétique ne produit que fadeur et vacuité.

Si Huit Femmes ressemblait finalement à un remake grand public, gonflé et « césarisable » du discret Gouttes d’eau sur pierre brûlante en 2000 (adapté d’une pièce de jeunesse de R.W. Fassbinder),  Swimming Pool est une sorte de Sous le Sable (2001) enrubanné des tics post-modernes du film précédent. Ozon n’a même pas 40 ans qu’il ratiocine déjà, répétant en moins bien les figures imposées naguère avec originalité au cinéma français, se restreignant à arpenter tel un maître en son domaine son malingre périmètre d’action. Gâtisme précoce (l’homme qui entretient la piscine dans le film est un vieillard) ? On en vient même à se demander si la croyance qui sous-tendait puissamment Sous le Sable (ne jamais essayer de faire le deuil socialement encouragé d’une image pour vivre pacifiquement avec elle, coexistante avec le réel) n’était pas elle-même pure simulacre.