Petit aperçu en forme de mise au point de la sélection française
en compétition officielle du Festival de Cannes 2003, en deux
temps (Swimming Pool du sémillant François Ozon et Les
Côtelettes du vieux routier Bertrand Blier) et trois mouvements
(la phobie du réel, l’imaginaire ankylosé, et l’égotisme du
petit commerce de cinéma autocentré), ou : comment le cinéma
français se mord la queue et n’arrive à rien à force de complaisance,
de suffisance et de contentement cynique |
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SWIMMING POOL
Petite surface fermée pour inventaire
« (…) car le jouir du corps comporte
un génitif qui a cette note sadienne (…), qui dit qu’en somme
c’est l’Autre qui jouit » Jacques Lacan, Encore,
Séminaire, Livre XX, Seuil, 1975, p.33
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C’est ce qu’il pouvait arriver de pire à
Ozon. Après avoir joué dans Huit Femmes (2001), à la
fois puérilement (un pur et simple jeu de formes à l’ingéniosité
inconséquente : une sorte de miniaturisation publicitaire
du cinéma conceptuel d’Alain Resnais) et à la fois servilement
(en donnant la soupe professionnellement à des professionnelles
de la profession aguerries – Danièle Darrieux, Catherine Deneuve,
Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart – ou en passe
de le devenir – Ludivine Sagnier), des codes de l’existence
et de l’exposition de la star (c’est le lourd référentiel
au cinéma hollywoodien des années 40 et 50), de son usage
localisé (c’est le programme des clins d’œil appuyé au cinéma
français des années 60 à 90) et de son actuelle pertinence
pour le moins problématique (Huit Femmes, dans sa facture
superlativement artificielle, faisait semblant d’y croire
pour faire plaisir à ses actrices dans le supposé entretien
de leur aura mais surtout pour installer son auteur au centre
névralgique du cinéma français), le cinéaste avec son nouvel
opus renouvelle l’opération de simulation et de réduction
mais ici avec son propre (petit) univers, Swimming Pool
étant une œuvre complètement ossifiée, pauvre petite machine
fantasmatique tout juste bonne à être entretenue à l’image
de son objet-titre et dont le squelette esthétique ne produit
que fadeur et vacuité.
Si Huit Femmes ressemblait finalement à un remake grand
public, gonflé et « césarisable » du discret Gouttes
d’eau sur pierre brûlante en 2000 (adapté d’une pièce
de jeunesse de R.W. Fassbinder), Swimming Pool est
une sorte de Sous le Sable (2001) enrubanné des tics
post-modernes du film précédent. Ozon n’a même pas 40 ans
qu’il ratiocine déjà, répétant en moins bien les figures imposées
naguère avec originalité au cinéma français, se restreignant
à arpenter tel un maître en son domaine son malingre périmètre
d’action. Gâtisme précoce (l’homme qui entretient la
piscine dans le film est un vieillard) ? On en vient même
à se demander si la croyance qui sous-tendait puissamment
Sous le Sable (ne jamais essayer de faire le deuil
socialement encouragé d’une image pour vivre pacifiquement
avec elle, coexistante avec le réel) n’était pas elle-même
pure simulacre.
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