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  The Killing of Sister George (c) D.R.

Retrouvant le scénariste Lukas Heller ( What ever happened to baby Jane ?) et détruisant tous les tabous sur son passage, Aldrich va nous décrire avec une minutie et un radicalisme sidérants l’inexorable chute de June… Pendant plus de deux heures, à travers ce portrait Aldrich nous livrera l’un de ses monstres les plus incroyables et probablement le plus pathétique (cf. : Aldrich, l’usine à monstres). Ici, tout est mis en œuvre pour révulser ou provoquer le malaise. D’ailleurs le premier plan du film annonce déjà l’inexorable, le dernier - le même que dans The Big Knife - est impitoyable. Si Aldrich ne se permet évidemment pas de contourner la trivialité de certaines séquences (la descente dans une boîte lesbienne ou la fameuse scène de saphisme), il se délecte visiblement en renforçant un certain misérabilisme. Le décor : le Swinging London des années 60 est réduit à la presque complète unité d’un seul espace. Ici, l’appartement de June concentre presque toutes les étapes importantes du récit. Exigu et rempli de zones d’ombres, c’est un lieu où l’on sent peser le poids du destin. Comme The Big Knife , où tout le film se déroulait dans un seul et même décor (un rez de chaussé étouffant), la grande théâtralité est fortement mise en valeur mais, comme toujours, détruite par la mise en scène à la fois simple et violente.

Il en va de même pour les couleurs, la musique et les costumes... outrageusement kitsch, d’un mauvais goût systématique. Il semble être le reflet d’une histoire presque banale, ancrée dans un quotidien des plus sordides. Il n’est pas stupide de penser à l’univers d’un autre cinéaste : Sister George annonce par instants certains films de Rainer Fassbinder, notamment le Faustrecht Der Freiheit   tourné en 1974. Comme Baby Jane ou All the Marbles , Sister George fait partie des films d’Aldrich où tous les personnages principaux sont des femmes. Mais si l’homosexualité féminine pouvait encore apparaître dans All the Marbles , ici elle devient le théâtre d’un incroyable malaise.

The Killing of Sister George (c) D.R.

Il n’y a aucun glamour dans les films d’Aldrich puisque, pour lui, la bassesse, la laideur et la bêtise font partie intégrante de la nature humaine. Alors oui : June / Sister George est un monstre. La scène de torture à la cendre de cigares révèle dans toute son horreur la suprématie machiste que Sœur George tente d’imposer à sa petite amie. Les Guignols de la télé, tous hideux et grotesques, ne sont qu’une bande de clowns imbéciles, continuant inlassablement la fabrication de séries insipides et consternantes. Les bourgeois (remarquable Coral Browne ) ne sont que des hypocrites cachant des instincts bestiaux des plus répugnants. La scène de sexe entre Susannah York et Coral Browne est filmée comme un crime, un acte horrible… insoutenable.

Perpétuellement et régulièrement, le film est entrecoupé d’extraits mielleux de la stupide série Sister George. Comme Bette Davis dans Baby Jane ou Hush ... Hush , Sweet Charlotte l’interprétation principale constitue le moteur de l’œuvre. Beryl Reid incarne avec une emphase hors norme cet être à la fois répugnant et profondément pathétique. Elle est vieille, grosse et alcoolique. Il faut l’avoir vu parodier Stan Laurel dans une boîte lesbienne avant de la retrouver un peu plus tard, après l’annonce de sa mort par le studio. De la vulgarité totale, elle parvient à passer (parfois dans une seule et même scène) à l’abattement le plus complet, le plus bouleversant. Elle est seule et sa seule amie, une call-girl de luxe, lui permet tout juste de venir pleurer chez elle.