SYNOPSIS  
                  : La mort de sa mère, Claire Dolan , call-girl irlandaise d'une 
                  trentaine d'années, décide de changer de vie et de quitter New 
                  York. Elle fait la connaissance d'un chauffeur de taxi prêt 
                  à l'aider, à lui faire un enfant et à construire un foyer. Mais 
                  Claire comprend bientôt que, pour réaliser sa vie, elle ne doit 
                  compter que sur elle-même. | 
              
               
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                ANALYSE 
                    
                   
                  
                  Le film s’ouvre sur un espace brouillé, 
                    des figures géométriques régulières, abolissant toute notion 
                    de profondeur, abstrayant ces lieux (de vie ?) que sont 
                    les immeubles new-yorkais, jouant sur les perspectives, les 
                    reflets, les matériaux bruts et agressifs. Les courbes sont 
                    absentes, seules des droites infinies se découpent, créant 
                    des fenêtres opaques. 
                     
                    La question du regard est posée : ces multitudes de vitres 
                    ne semblent ouvrir sur rien ni personne, ne faire figure que 
                    d’ornement, n’être présentes que pour elles-mêmes. Aucun désir 
                    voyeur ne se fait ressentir face à ces espaces cachés de l’intimité. 
                    Peut-être n’y a-t-il tout simplement rien à voir, peut-être 
                    ces façades miroitantes ne sont-elles que le décor d’une absence 
                    de l’humain, d’une inexistence de l’intimité transformée en 
                    transactions sexuelles. 
                     
                   
                  
                     
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                  Au sein de la froideur des matériaux et 
                    de leur dureté, Claire Dolan se crée des identités. Enfin 
                    un contre-champ qui nous dévoile l’intérieur de ces immeubles 
                    sans âme qui transparaissent toujours à travers les vitres 
                    des appartements, ne cessant de nous rappeler leur présence 
                    étouffante. 
                     
                    Vitres, miroitements. Entre transparence et reflet, Claire 
                    Dolan se fond dans le paysage, s’y assimile pour mieux faire 
                    mine de s’en détacher. Elle offre son corps au regard et au 
                    sexe des hommes sans pudeur dans les immeubles de verre, sans 
                    jamais se cacher aux regards qui pourraient traverser les 
                    vitres. 
                     
                    A la froideur des lieux répond celle d’un corps féminin mimant 
                    le désir, un désir multiple et décuplé comme ses reflets démultipliés, 
                    parfois uniques, mais toujours revenants, presque omniprésents, 
                    rappelant ouvertement La Dame de Shangaï  et son destin 
                    inévitable, à laquelle succèdera Marnie et ses changements 
                    d’identité. Toujours vêtue du même manteau marron, Claire 
                    Dolan est comme le décor urbain : inchangeante voire 
                    immobile, mêlant étrangement la fadeur des teintes qui cache 
                    un désenchantement intérieur, et la légèreté d’une femme de 
                    joie. 
                     
                   
                  
                     
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                  Son corps fait partie de la ville alors 
                    que son esprit tente de s’échapper malgré l’aliénation dont 
                    il est victime. 
                     
                    Claire est indissociable de la matière et des structures géométriques 
                    qui en sont engendrées : filmée devant un miroir, derrière 
                    une fenêtre, dans l’ encadrure d’une porte. Son corps et son 
                    visage sont perpétuellement cadrés, encadrés, au point ou 
                    aucun plan ne soit vidé de sa présence. Son corps pénétré, 
                    reflété, rayé, encadré, semble s’anamorphoser, son aspect 
                    longiligne s’accentue pour faire un avec les colonnes ou les 
                    arbres, eux aussi contraints à l’immobilité totale. Claire 
                    s’inscrit dans une verticalité dont elle ne sortira que grâce 
                    à l’amour d’un homme avec qui elle trouvera momentanément 
                    le repos et l’abandon : l’horizontalité. Son corps alors 
                    s’assouplit, invente des courbes jamais encore tentées, le 
                    déhanchement d’une danse dans un décor rouge tranchant avec 
                    les teintes habituelles.  
                     
                    Le corps de Claire, s’il est omniprésent, fascinant sans doute 
                    pour celui qui le filme, n’en est pas moins seul. Enfermée 
                    dans le cadre serré du gros plan, Claire est définitivement 
                    coupée des autres, ces autres qu’elle aimerait rejoindre, 
                    vivant dans son propre espace, intérieur et extérieur. 
                     
                     
                   
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