À l’opposé il y a l’histoire de deux flics
mexicains, pris entre une armée corrompue, des trafiquants,
la DEA, les indicateurs. Ils avancent dans un milieu qu’ils
connaissent bien, isolés, sans soutien politique, la mort
annoncée sur leur visage.
Après avoir creusé leurs tombes en plein désert, deux tueurs
(hommes du général Salazar) les mettent en joue, un policier
tombe, l’autre pour n’avoir pas protesté est épargné, devenant
par là-même l’un des leurs, un homme en qui l’on peut avoir
confiance.
Les situations sont difficiles. En mettant en scène cinq histoires
qui se chevauchent, dans lesquelles les protagonistes sont
chacun à un stade du trafic, Steven Soderbergh, caméra à l’épaule
pendant tout le film, réussit à traduire la profondeur des
personnages. Prenant en considération l’enchaînement des situations
et le nombre d’intervenants, on peut dire qu’il est allé à
l’essentiel.
 |
|
|
|
Sa caméra en mouvement permanent favorise
le rapprochement avec le documentaire. La scène au cours de
laquelle Carl Ayala est arrêté à son domicile par la DEA nous
rappelle la manière dont sont tournées et montées certaines
images de la télévision américaine, voire européenne. Déjà
Michael Mann avec Révélations avait réussi le chalenge
de mélanger l’utilisation d’un type d’image « en direct »
tout en critiquant ce voyeurisme, grâce à une maîtrise complète
de l’action.
L’info spectacle, c’est le couple Ayala ; le reste, on
n’en parle presque jamais. Peu de chance pour que des journalistes
américains suivent deux policiers mexicains dans leur combat.
L’usage régulier du zoom est ici particulièrement bien justifié
pour tenter de mieux cerner ces visages qui sont en perpétuels
dérangements. Ils sont gênés assaillis, traumatisés. Ces visages
fermés deviennent illégaux. Cette forme d’illégalité, très
présente, renvoie à l’hypocrisie régnante autour de la vente
et de consommation de drogue aux USA. Le repenti le dit aux
policiers : “This has worked for years and will continue
to work, NAFTA makes it even more difficult for you. The border’s
disappearing. Do you realize that in a year or two the Mexican
trucking companies are going to be able to go from the States
to Mexico and back with the same freedom as UPS, DHL Fedex,
you name it? It’s going to be a free-for-all.”
|
 |
|
|
Ce contexte de provocation récurrent rend
la tâche des officiers particulièrement frustrante. Celle
des policiers mexicains est de toute autre nature, les cartels
de Juarez et de Tijuana (Obregon Brothers) étant proches du
pouvoir militaire et politique. Ils se battent, parfois à
leurs dépens, contre leur propre hiérarchie. Il s’agit de
survivre.
|