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1)
Mais déjà Claire Denis, que saluait également Bonello dans son film, clignait de l’œil lors du début aquatique et sensuel de Nénette et Boni en 1996 du côté de l’auteur de La Comédie de Dieu (1995). Comme on va s’en rendre compte, on n’en finirait pas de ce jeu des boucles, ouvertes ou fermées, lorsqu’il s’agit de parler de l’œuvre de Monteiro.

2) « On ne peut savoir ce qu’un homme doit perdre pour avoir le courage de braver toutes les conventions, on ne peut savoir ce [qu’il] a perdu pour devenir l’homme qui s’est tout permis, qui a traduit en acte ses pensées les plus intimes avec une insolence surnaturelle comme le ferait un dieu de la connaissance, à la fois libidineux et pur. Personne ne fut plus franc ; cas-limite de sincérité et de lucidité en même temps qu’exemple de ce que nous pourrions être si l’éducation et l’hypocrisie ne refrénaient nos désirs et nos gestes ». Qui parle ? E.M. Cioran (in Précis de décomposition, Gallimard, Tel, 1949, p.94). De qui parle-t-il ? De « Socrate devenu fou » selon Platon, autrement dit Diogène. Or ces lignes s’appliquent parfaitement à la personnalité de Monteiro, notre Diogène contemporain (on peut même dire qu’il s’agit là de la meilleure et la plus improbable critique jamais écrite sur le cinéaste).

3) A Flor do Mar en 1987 en est comme une sorte de remake marin et fauché enveloppé du souvenir du séminal Stromboli de Roberto Rossellini qui, lui, hantait le projet pasolinien. Nouvelle boucle…

4) Elena pour le film de Jean Renoir avec l’indépendante Ingrid Bergman et (Witold) Gombrowicz qui est l’auteur d’un poème que devait connaître et approuver ce fin lettré de Monteiro : « Cuisse, cuisse, cuisse, cuisse, cuisse, cuisse, cuisses, cuisse, cuisse, cuisse, cuisse, cuisse, cuisse ».

5) C’est La Valse à mille temps de Brel dansée en plan-séquence par les acteurs du Bassin de J.W., dont un Pierre Clémenti déchaîné et un Hugues Quester plus qu’éméché.

6) Rappelons qu’Elena Gombrowicz, dont nous mentionnons l’existence plus haut, porte également le nom d’Albertine Rabelais.

7) Silvestre en 1981 réussissait l’exploit d’être à la fois au même niveau de la stylisation formelle que Perceval le Gallois d’Eric Rohmer en 1978 et le remake médiéval du classique hollywoodien Sylvia Scarlett de George Cukor ! A l’instar de Welles, Pasolini, Bresson, et plus récemment Eugène Green, ce recours au Moyen Age concernant le cinéma dans ce qu’il a de plus moderne conte le récit de cette modernité même, « cette quête, par quoi l’homme tente de faire l’expérience d’un bien qu’il ne peut connaître que per scientam,[et qui] exprime l’impossibilité de réunir science et expérience en un sujet unique » (Giorgio Agamben, Enfance et Histoire, Petite Bibliothèque Payot, 2002, p.57). La modernité est par essence même aporétique, « au sens littéral d’absence de voie, a-poria » (idem). Ce retour à l’aporie et la problématique de la quête ou non de son dépassement travaillent en profondeur l’œuvre monteirienne : Le Dernier Plongeon et son sous-titre (Esquisse d’un film), Le Bassin de J.W. cassant la belle rotondité de la trilogie Jean de Dieu et surtout Blanche-Neige en figurent les paradigmes jusqu’au-boutistes, jusqu’au scandale esthétique et moral, pareillement que la littérature sadienne (on retombe sur nos pieds en retrouvant Pasolini – Monteiro est un chat de gouttières certes mais un chat quand même –  mais la question demeure ouverte).

8) Le Bassin de J.W., dont l’idée vient d’une carte postale rêveuse et poétique envoyée par Daney lui-même (« J’ai rêvé de John Wayne jouant du bassin au pôle nord ») et que l’on croit apercevoir dans La Comédie de Dieu (peut-être cette carte a-t-elle fictivement brûlé dans l’incendie fasciste qui conclut ce film ?), est entièrement baigné de l’admiration pour les westerns classiques et la droiture exemplaire de ses figures. Dans Les Noces de Dieu, c’est Monteiro qui se prend pour James Stewart sauvant sa belle Eurydice des eaux du Léthé dans Vertigo d’Alfred Hitchcock. C’est enfin son court métrage peu connu de 1995, Promenade avec Johnny Guitar, qui met en scène Jean de Dieu rentrant chez lui et blessé au visage : la mélodie du film de Nicholas Ray lui a traversé la tête ! Bel exemple de gag littéral doublé d’une déclaration d’amour jusqu’au sang (sous la forme originale d’une eschatologie cinéphilique : « Ceci – le film de Ray – est mon sang » !) adressée à l’un des plus beaux films de tous les temps.