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Contrairement au Bruce Willis de tous ses
autres rôles hors ceux des films de Shyamalan (Armageddon
par exemple) ou au George Bush jr. autoproclamé pourfendeur
de « l’Axe du Mal », ce ne sont là que de super-héros
anonymes, la surenchère paradoxale d’hommes sans qualités
(4) puisque leurs super-pouvoirs doivent s’effacer
dans la schize sociale qu’ils induisent. Qu’importe, le super-héros
sera toujours un autre-que-moi, même si cela fait mal, divise.
Si l’homme d’exception, celui qui les rachète tous, existe
bel et bien, il est doublement un anonyme (parce qu’il se
cache derrière un masque, parce qu’il se fond dans la foule
des rues). Si le sujet de Spider-Man, comme de bien
d’autres films américains, est celui de l’identité clivée,
révéler celle du super-héros équivaudrait à nier le caractère
extraordinaire de celle-ci, et même deux fois comme on vient
de le démontrer (ce n’est donc qu’un homme, qui se cache et
nous trompe). On ira même plus loin : autant Spider-Man
cache Peter Parker, autant Peter Parker cache Spider-Man (réversibilité
du masque qui finalement se joue des clivages identitaires
et autres obligations contractées par l’appartenance sociale
en jonglant avec).
L’identité, c’est ce qui se tait, ce que l’on ne saurait jamais
exhiber ou afficher. Chose secrète, chasse gardée (pas un
hasard si Clark Kent, alter ego « moyen » de l’extraordinaire
Super-Man, comme Peter Parker sont tous deux journalistes ;
pas un hasard non plus si Bruce Wayne, quand il n’est pas
Bat-Man, neutralise les soupçons que l’on pourrait porter
sur sa personne parce qu’il dispose déjà d’un statut exceptionnelle qui
lui sert de paravent : il est milliardaire). Un film, même
un blockbuster à plusieurs millions de dollars, a fortiori
un tel film, ne montre jamais son vrai visage, ne dit pas
à quel point son caractère exubérant, son enveloppe « monstrative »,
le frustre (surtout quand il est mis en scène par un réel
auteur tel Sam Raimi).
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1) Cette stratégie régressive de repli
sur soi correspond dans les deux films majeurs
que Tim Burton a consacrés à Batman à l’abstraction
d’un environnement urbain – la ville sans dehors
et en studio de Gotham – moins proprement américain
que sur le plan idéel et générique plutôt représentatif
de la nouvelle occidentalité technicisée, à l’instar
du modèle langien Metropolis.
2) Nouveau statut dans
lequel s’origine aussi, comme dans Bat-Man,
un roman familial défaillant, dont la défaillance
même confondue dans l’idée de faute hante l’esprit
du héros et l’oblige selon une moralité toute
chrétienne à vouloir à tout prix réparer au centuple
ce dont il a été un fois le moteur, c’est-à-dire
l’injustice.
3) Encore mieux si
l’on reste dans le cadre des héros de l’invisible,
Memoirs of an invisible man (1989) de John
Carpenter figurait un héros qui n’avait que faire
de son nouvel état, qui regrettait même son ancienne
normalité et qui, sans jamais vouloir capitaliser
sur son originalité, ne cessait de fuir les problèmes
que celle-ci lui causait.
4) Homme sans qualité
qui, comme l’écrivait Robert Musil dans son roman
éponyme, est un « homme du possible ».
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