Mais d’autre part, on sait
que la formation des nuages constitue l’un des grands domaines
d’application de la théorie du Chaos. Les nuages de Portland
dessinent des formes compliquées, irrégulières, tourbillonnaires
(anticipant la trajectoire des lycéens monades nomades d’Elephant).
Gus Van Sant filme un état de turbulence, et suggère qu’il
faut comprendre l’événement en ce sens : un événement
marqué par le désordre et l’imprévisibilité. En effet, le
massacre de Columbine dépend d’une multitude de causes et
de facteurs, il obéit à des lois non linéaire. Dans le calme
ordonnancement de la vie du lycée, l’ordre stable et continu
de la civilisation (symbolisé par le poteau électrique), il
apparaît comme un désordre fondamental, une perturbation climatique
absolue. Il est l’imprévisible même, l’impensable, l’inconcevable,
l’ « informulé ».
Ainsi ce principe de non
linéarité ne pouvait appeler qu’une forme musicale, à même
de tisser un réseau d’échos, de contrastes, de variation et
de répétition , à même d’accueillir la complexité chaotique
du réel (en l’occurrence l’ensemble de tous les micro actes
qui mènent au grand Acte destructeur, tel le fameux battement
d'aile du papillon occasionnant une tempête).
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La musique est par excellence
l’art du temps. A bien des égards, Elephant témoigne
du souci esthétique de travailler le temps comme un matériau,
comme une glaise qu’on malaxe. Gus Van Sant s’ingénie à nous
communiquer la sensation d’un temps non linéaire, heurté,
fibré pourrait-on dire. C’est que le film nous invite à faire
une lecture de l’événement comme une « crise » du
temps, à l’instar des grandes tragédies. Time is out of
joint, comme dans Hamlet. En effet, les jeunes tueurs,
par cet acte, ont nié le grand temps linéaire propre à la
civilisation, incarnée ici par l’école, chargé de relier le
passé au présent selon une perspective clairement orientée
sur le futur (ce n’est pas pour rien que l’Education nationale
s’est senti interpellée par ce film, à tel point qu’elle a
produit, avec le CRDP de l’Académie de Nice, un cédérom pédagogique).
Le film nous parle, dans tous les sens du terme, d’une perte
du Sens, qu’il cherche à traduire formellement et qui a pour
nom le chaos. S’il n’y avait qu’une explication à retenir,
d’ordre métaphysique, c’est bien celle-là, comme Gus Van Sant
lui-même le laisse penser dans un entretien accordé aux Cahiers
du Cinéma de juin 2003 : « Un beau jour,
ils n’ont plus cru au futur ».
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2003 Elephant
de Gus Van Sant avec Alex Frost, John Robinson
2002
Gerry de Gus Van Sant avec Casey Affleck,
Matt Damon
2000 A la
rencontre de Forrester (Finding Forrester)
1998 Psycho
de Gus Van Sant avec Viggo Mortensen, William
H. Macy
1997 Will hunting
(Good will hunting) de Gus Van Sant
1996 Ballad of the
Skeletons de Gus Van Sant
1995 Prête à tout
(To Die For) de Gus Van Sant avec Nicole
Kidman
1993 Even cowgirls
get the blues de Gus Van Sant avec John Hurt
1991 My Own Private
Idaho de Gus Van Sant avec River Phoenix
1989
Drugstore cowboy de Gus Van Sant avec
Matt Dillon, Kelly Lynch
1987 Five Ways to
kill yourself t de Gus Van San
1987 My new friend
de Gus Van Sant
1985 Mala noche
de Gus Van Sant avec Doug Cooeyate, Ray Monge
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