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Si les plans et le montage tendent à isoler ce dernier
dans sa position de célibataire démuni face au couple, l’intention
d’Alain Resnais n’est pas moins de nous signifier cet isolement
mêlé de déception que vit quotidiennement Romaine. En quête
d’un sentiment et d’une vie qui n’appartiennent pas à la
réalité commune, elle trébuche, s’exalte, régresse, mais
doucement se meurt. Elle ne fait pas partie de la vie, la
mort est en elle et l’attend, irrémédiablement. Elle aura
essayé d’appartenir à chacun de ces deux hommes si différents,
mais elle ne peut appartenir à aucun des deux, condamnés
à vivre dans cet entre mystérieux et obscure, où rien ne
la tient ni ne l’anime. D’ailleurs, la seule scène tournée
en extérieur, qui semble enfin s’accorder avec la réalité
du monde, est celle où Romaine descend lentement les marches
du quai de Seine qui la conduiront vers la mort. Mais Resnais,
en humanisme proche de l’existentialisme, entend bien nous
dire que la disparition de cette femme est l’affaire de
chacun, de tous ceux qui n’ont pas su lui laisser cet espace
vital pour s’y développer et être aimée pour ce qu’elle
était, un mystère. Si Pierre semble apprendre de cette perte,
s’il semble enfin devenir celui que sa femme aurait peut-être
espéré qu’il soit, c’est à dire un homme ouvert sur le vertige,
capable de lui tendre la main tandis qu’elle vacillait,
Marcel semble réduit et limité à son mensonge, au seul souvenir
d’une pétale de rose glissée dans un agenda par Romaine
dans l’espoir de fétichiser un amour impossible à atteindre.
Romaine, à l’instar d’Alain Resnais, est cet être emporté
par la passion et sa subjectivité, cet espace de doute coincé
entre deux pôles de certitude. Elle est capable d’anticiper
la tragédie, consciente d’être reçue autrement qu’elle n’est
véritablement : une visionnaire qui emporte avec elle
le secret de sa vérité.