SYNOPSIS: La révolution en Estrovie
chasse de son trône le roi Shadov. Il décide de se réfugier
à New York et s'installe au Ritz avec son ambassadeur Jaumier.
Il y retrouve son Premier ministre qui a la charge du trésor
royal. Il découvre la ville, le cinéma et la publicité, les
restaurants et la musique rock. Plus tard, il apprend la fuite
de son Premier ministre avec le trésor tandis que la reine lui
annonce son désir de demeurer à Paris. Alors que de graves problèmes
financiers commencent à le tirailler, il rencontre Ann Kay,
charmante jeune américaine qui travaille à la télévision. Celle-ci
l'entraîne dans un monde aux étranges coutumes... |
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Retour sur Un
Roi à New-York à l'occasion de la sortie en DVD, chez MK2, de la collection
des films de Charlie Chaplin.
« L’ultime abjection, c’est quand l’homme a aussi
le pouvoir de lui dicter son texte, sa bande-son : ”
Dis ta phrase ! ” (Passion) “ Toi tu dis :
hé ! ” (Sauve qui peut). Ce sont précisément les
deux pouvoirs que le cinéma est censé donner aux cinéastes
sur ses acteurs : prend telle posture, dis telle phrase »
Nul mieux que Godard, Alain BergalaEssais,
Les Cahiers du cinéma, 1999
CHAIRS TELESPECTATEURS
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Trop souvent présenté comme un film mineur où Chaplin règle
ses comptes avec l’Amérique qui l’a chassé, Un Roi à New-York
nous apparaît de plus en plus comme une œuvre magistrale sur
la condition d’acteur et sur l’obscénité du jeu. Film où les
portes sont autant de liens phatiques et de dés/accords érotiques
(tel que nous l’a sublimement filmé Lubitsch son prédécesseur),
l’avant-dernier film de Chaplin s’expose dans une vulnérabilité
de soi (il se mouille littéralement) au nom de ce récit de
l’intime auquel il nous convie depuis plus de 40 ans. Mais
l’affaire est plus grave. Quelque chose est advenu au monde
qui change les rapports à autrui. S’infiltrant partout, jusque
dans votre plus stricte intimité, vous captant tout en vous
terrorisant.
L’ironie de l’histoire chaplinienne fera que, à son tour,
le cinéaste sera guidé, télécommandé par une jeune femme (une
publicitaire) dans Un Roi à New-York. Il n’a plus le
dessus sur les femmes, qu’il séduisait ou tuait avec Verdoux
(1947). Ici, il est devenu objet à consommer. Lorsqu’il débarque
aux U.S.A, ce roi en fuite d’un pays d’Europe (plus vraisemblablement
un tyran certes sympathique, mais qui crevait de faim son
pays) il deviendra à son tour nourriture pour l’écran cathodique,
nouvel ordre culturel de la liberté démocratique. Une image
diffusable. Il revient à l’écran cathodique de donner
du travail à ce vieux roi déchu où, lui aussi, sera commandé
par un pouvoir mais ici sans corps palpable : une voix
off dicte les gestes du comédien assis seul dans le studio,
avec un fond gris qui semble plus l’absorber que le soutenir.
C’est seulement avec la publicitaire Ann Kay (Dawn Addams,
frimousse de gamine du monde) qu’il entre véritablement en
relation de plan. On pourrait dire que c’est parce qu’elle
a les gestes du photographe (sa profession initiale) que le
lien du travail reste investi par l’échange.
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