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Ainsi dans Greetings, De Palma dresse un portrait
un demi teinte de la jeunesse américaine ( cruel et sans rédemption
possible pour les politiques). Trois amis passent leurs journées
comme ils peuvent, entre frivolité et véritables inquiétudes.
Chacun évoque évidemment l’une des facettes du jeune réalisateur,
alors peu soucieux de mener le spectateur par le bout du nez,
comme il le fera plus tard dans ses thrillers (Sœurs de
sang en tête). Chacun a des préoccupations plutôt banales
(les filles, le sexe, se faire réformer), mais pourtant singulières :
l’un est obsédé par l’assassinat du président Kennedy, prêt
à démontrer le complot par une somme de preuves indubitables,
prêt à suivre le premier fanatique qui passe et à entrer dans
son jeu. Le second est obsédé par les femmes, tentant les
rencontres par petites annonces, tombant sur des femmes autant
obsédées que lui, tantôt mystiques, tantôt pervers. Le troisième
est obsédé par le voyeurisme, recréant des scènes dignes de
Fenêtre sur cours.
Ces trois personnages sont des réalisateurs en puissance,
fictionnalisant leur vie, les mettant perpétuellement en scène,
magnifiant leurs souvenirs et leur présent. La fiction est
d’un bout à l’autre patente, entrecoupée d’images réelles
de télévision, qui retransmettent le discours odieux d’un
politique, jusqu’à ce que le réel semble être trop réel et
soit vécu comme une fiction, et que la fiction vienne physiquement
s’intégrer dans la réalité : le personnage à la recherche
de l’assassin de Kennedy se fait descendre d’une balle mystérieuse
au pied de la statue de la liberté (Blow Out n’est
pas loin), le jeune homme obsédé par le voyeurisme termine
au Vietnam, mettant en scène la guerre grâce aux journalistes.
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Toujours jonglant entre les différents niveaux de réalité,
le discours de De Palma dans Greetings est ouvertement
politique, alors qu’il se fera plus discret, voire inexistant,
dans ses films futurs pour devenir des objets presque exclusivement
formels, où les images se questionnent elles-mêmes. La politique
est directement visée, sous toutes ses formes et dans les
aspects les plus marquants des années 60 : l’assassinat
de Kennedy qui est à la fois un problème formel, pour ne pas
dire esthétique (l’un des personnages dessine d’ailleurs l’impact
de la balle sur le corps d’une jeune femme nue endormie),
et politique (la manipulation par le complot), tout comme
le Vietnam, retransmis à la télévision comme un spectacle,
et véritable objet de révolte politique.
Greetings est un film rugueux, loin de l’esthétique
lisse des derniers films (Snake Eyes, Mission Impossible,
Mission to Mars), ou des jeux entre voyeur et vu qui
confondent images réelles et images rêvées (Body Double,
Blow Out, Dressed to kill). Les images comme
les sons sont agressifs, mettant mal à l’aise le spectateur
comme les personnages. La musique sature l’environnement sonore,
le grain de l’image est épais, le cadre est le plus souvent
étroit, emprisonnant les personnages malgré eux, que se soit
dans le second cadre créé par les caméras de télévision ou
dans les espaces réduits de l’entrée d’un appartement ou de
toilettes publiques. Si les trois amis miment et extrapolent
autour de leur réforme, le rendez-vous réel à l’armée n’est
qu’une ellipse. De Palma n’offre pas de transition entre les
deux niveaux de fiction qui sont la mise en scène de l’événement
et les conséquences de l’événement, lui-même une mise en scène
(la guerre des Vietnam). Le réel n’a pas droit à l’image car
il est inéluctable (le personnage de De Niro ne parviendra
pas à se faire réformer malgré ses multiples efforts).
Avec Greetings, De Palma affronte deux aspects de
son cinéma : la fiction et le réel. Il a choisi par la
suite de questionner la fiction (apparemment) au détriment
de l’aspect politique de son cinéma, ou plutôt il se servit
de ses chocs politiques (Kennedy et le Vietnam) au bénéfice
d’une certaine esthétique, qui n’est pas sans lien avec une
certaine vision de l’humanité.
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2001 Femme
Fatale
2000 Mission To Mars
1993 L'Impasse
1998 Snake Eyes
1992 L’esprit de Caïn
1990 Le Bûcher des
vanités
1989 Outrages
1987 Les Incorruptibles
1986 Wise Guys
1985 Body Double
1983 Scarface
1981 Blow Out
1980 Pulsions
1979 Home Movies
1978 Furie
1976 Carrie au bal
du diable
1976 Obsession
1974 Phantom of the
Paradise
1972 Sœurs de sang
1970 Get To Know Your
Rabbit
1970 Dionysus in' 69
1969 Hi, Mom ! / Les
nuits de New York
1968 Greetings
1967 Murder a la Mod
1966 The Wedding Party
1966 The Responsive
Eye
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