Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
Les Lumières de la ville (c) D.R. CITY LIGHT
LES LUMIERES DE LA VILLE

de Charles Chaplin
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Lors de l’inauguration d’une place, les personnalités de la ville découvrent un vagabond endormi sur la statue de bronze, monument de la « Paix et de la Prospérité ». Chassé, il rencontre une jeune fleuriste des rues et attiré, il sacrifie sa dernière pièce. Il réalise alors  qu’elle est aveugle et qu’elle le confond avec un homme riche. Il ne l’a contredit pas. Le soir même, il sauve de la noyade un millionnaire suicidaire et ivre qui ne reconnaît et apprécie son sauveur q’en état d’ébriété. A jeun, il le fait chasser de sa demeure. Pour aider la jeune aveugle tombée malade et sans revenu, Charlot, tour à tour, sera boxeur, balayeur des rues. Sachant qu’une opération pourrait rendre la vue à son amie, Charlot convainc le millionnaire, sous l’emprise de l’alcool, de lui donner de l’argent. Celui-ci l’accuse de vol lorsque la police débarque, suite à une tentative de cambriolage ratée et dans laquelle Charlot a sauvé son ami qui ne le reconnaît plus. Emprisonné, il sort encore plus démuni et se retrouve face à face avec la jeune fleuriste, désormais voyante et propriétaire de son magasin.


Retour sur City Light / Les lumiéres de la villes à l'occasion de la sortie en DVD, chez MK2, de la collection des films de Charlie Chaplin.


DIS, TU M’AIMES MOI, VRAIMENT
OU LE MEPRIS

  Les Lumières de la ville (c) D.R.

Avec Les Lumières de la ville, Chaplin nous donne à voir et à vivre l’expérience de l’amour aveugle, cruel et sacrificiel. Comme s’il répondait 50 ans avant à la question de Camille, unique fois où Bardot est sublime parce que godardienne, couchée sur son ventre, juste avant Le Mépris pour Paul « oui, je t’aime totalement, tendrement, tragiquement » Charlot va appliquer à la virgule près ce programme d’amour total, absolu jusqu’à la méprise. Une méprise dédoublée : celle d’une jeune femme aveugle et celle d’un riche homme désœuvré qui tout deux se trompe sur l’objet de leur amour. Charlot deux fois aimé par méprise se trompe au final tout le temps : les lumières de la ville ne sont pas pour lui, la scène inaugurale du film nous l’a bien explicitée. La bourgeoisie en son maire arrache le toile blanche (du cinéma ?) qui couvrait et réchauffait le vagabond installé sur la statue. Il n’est pas le bienvenu lors l’inauguration de la place, il fait tache sombre, au cul relevé, et même poli (Charlot est de cette élégance aristocratique de ceux qui n’ont plus rien à perdre), il doit dégager le plancher.

Toute la suite du film sera ce récit d’un corps qui n’a pas sa place ou alors par défaut, par tromperie. On refuse de le voir et de l’accepter tel quel, de l’accepter, alors il se laissera devenir jouet docile entre les mains du millionnaire. De même, il abdiquera devant le fantasme de conte de fée de la jeune fleuriste aveugle, allant jusqu’à se laisser dévider de ses « viscères », lorsque tenant la pelote de laine, la jeune femme enroule non pas le fil de laine prévu, mais celui de son tricot de corps. Il ne fera rien pour la contredire, se déhanchant pour ne pas interrompre le mouvement continu de la jeune aveugle qui, méthodiquement, le dépouille Cette schize du personnage, écartelé par le millionnaire comme par la jeune fleuriste, est au cœur du récit qui fait s’alterner le bas de l’échelle sociale (le chou-fleur, aliment du pauvre qu’il offre à la jeune, ramasser les déchets de la ville) à la sphère de la haute bourgeoisie (chronique cruelle digne d’un Eric Von Stroheim, un monde frelaté par l’ennui et l’excès). Et Charlot semble ballotter, sur le fil précaire du désir de l’un et de l’autre. Comment tenir encore dans ce monde qui nous aime pour ce que l’on est pas (un riche prince) et ne nous aime plus dès lors que l’on est ?

Les Lumières de la ville (c) D.R.

Comment faire encore du cinéma muet en 1931 alors que le parlant est devenu la norme hollywoodienne : L’ange Bleu de Sternberg avec Marlène Dietrich, L’ennemi public de Wellman avec James Cagney, La blonde platine de F. Capra avec Jean Harlow, Scarface de Hawks avec Paul Muni, entre autres ? Charlot a-t-il encore sa place alors que d’autres furent évincés tels Buster Keaton (contrat ruineux signé en 1928 avec la MGM) John Gilbert (partenaire de Greta Garbo)  Gloria Swanson et Griffith lui-même (cofondateur de United Artists - Artistes Associés en 1918 avec Chaplin, Douglas Fairbanks et Mary Pickford ).