SYNOPSIS :
Lors de l’inauguration d’une place, les personnalités de la
ville découvrent un vagabond endormi sur la statue de bronze,
monument de la « Paix et de la Prospérité ». Chassé,
il rencontre une jeune fleuriste des rues et attiré, il sacrifie
sa dernière pièce. Il réalise alors qu’elle est aveugle et
qu’elle le confond avec un homme riche. Il ne l’a contredit
pas. Le soir même, il sauve de la noyade un millionnaire suicidaire
et ivre qui ne reconnaît et apprécie son sauveur q’en état d’ébriété.
A jeun, il le fait chasser de sa demeure. Pour aider la jeune
aveugle tombée malade et sans revenu, Charlot, tour à tour,
sera boxeur, balayeur des rues. Sachant qu’une opération pourrait
rendre la vue à son amie, Charlot convainc le millionnaire,
sous l’emprise de l’alcool, de lui donner de l’argent. Celui-ci
l’accuse de vol lorsque la police débarque, suite à une tentative
de cambriolage ratée et dans laquelle Charlot a sauvé son ami
qui ne le reconnaît plus. Emprisonné, il sort encore plus démuni
et se retrouve face à face avec la jeune fleuriste, désormais
voyante et propriétaire de son magasin.
Retour sur City Light / Les lumiéres de la villes
à l'occasion de la sortie en DVD, chez MK2, de la collection
des films de Charlie Chaplin. |
DIS, TU M’AIMES
MOI, VRAIMENT
OU LE MEPRIS
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Avec Les Lumières de la ville,
Chaplin nous donne à voir et à vivre l’expérience de l’amour
aveugle, cruel et sacrificiel. Comme s’il répondait 50 ans
avant à la question de Camille, unique fois où Bardot est
sublime parce que godardienne, couchée sur son ventre, juste
avant Le Mépris pour Paul « oui, je t’aime
totalement, tendrement, tragiquement » Charlot
va appliquer à la virgule près ce programme d’amour total,
absolu jusqu’à la méprise. Une méprise dédoublée :
celle d’une jeune femme aveugle et celle d’un riche homme
désœuvré qui tout deux se trompe sur l’objet de leur amour.
Charlot deux fois aimé par méprise se trompe au final tout
le temps : les lumières de la ville ne sont pas pour
lui, la scène inaugurale du film nous l’a bien explicitée.
La bourgeoisie en son maire arrache le toile blanche (du
cinéma ?) qui couvrait et réchauffait le vagabond installé
sur la statue. Il n’est pas le bienvenu lors l’inauguration
de la place, il fait tache sombre, au cul relevé, et même
poli (Charlot est de cette élégance aristocratique de ceux
qui n’ont plus rien à perdre), il doit dégager le plancher.
Toute la suite du film sera ce récit d’un corps qui n’a
pas sa place ou alors par défaut, par tromperie. On refuse
de le voir et de l’accepter tel quel, de l’accepter, alors
il se laissera devenir jouet docile entre les mains du millionnaire.
De même, il abdiquera devant le fantasme de conte de fée
de la jeune fleuriste aveugle, allant jusqu’à se laisser
dévider de ses « viscères », lorsque tenant la
pelote de laine, la jeune femme enroule non pas le fil de
laine prévu, mais celui de son tricot de corps. Il ne fera
rien pour la contredire, se déhanchant pour ne pas interrompre
le mouvement continu de la jeune aveugle qui, méthodiquement,
le dépouille Cette schize du personnage, écartelé par le
millionnaire comme par la jeune fleuriste, est au cœur du
récit qui fait s’alterner le bas de l’échelle sociale (le
chou-fleur, aliment du pauvre qu’il offre à la jeune, ramasser
les déchets de la ville) à la sphère de la haute bourgeoisie
(chronique cruelle digne d’un Eric Von Stroheim, un monde
frelaté par l’ennui et l’excès). Et Charlot semble ballotter,
sur le fil précaire du désir de l’un et de l’autre. Comment
tenir encore dans ce monde qui nous aime pour ce que l’on
est pas (un riche prince) et ne nous aime plus dès lors
que l’on est ?
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Comment faire encore du cinéma muet en
1931 alors que le parlant est devenu la norme hollywoodienne :
L’ange Bleu de Sternberg avec Marlène Dietrich, L’ennemi
public de Wellman avec James Cagney, La blonde platine
de F. Capra avec Jean Harlow, Scarface de Hawks avec
Paul Muni, entre autres ? Charlot a-t-il encore sa
place alors que d’autres furent évincés tels Buster Keaton
(contrat ruineux signé en 1928 avec la MGM) John Gilbert
(partenaire de Greta Garbo) Gloria Swanson et Griffith
lui-même (cofondateur de United Artists - Artistes
Associés en 1918 avec Chaplin, Douglas Fairbanks et
Mary Pickford ).
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