Lors d’une après-midi festive chez
le millionnaire (éméché, il tombe littéralement dans les bras
de Charlot dans les rues de la ville, et emporte avec lui
« son ami » après force embrassade) le vagabond
en smoking avale par inadvertance un sifflet. Il hoquète malgré
lui, secoué au bas de sa poitrine par ce haut-le-cœur sonore,
au moment même où un distingué convive allait pousser sa chansonnette,
et ce que l’on imagine être une mélasse musicale à l’image
de ce crâne chauve que Charlot prenait pour une gelée. Ce
qui sort de sa gorge perturbe, dérange, ça siffle. Charlot
s’il ne parle pas encore alors que le cinéma parle depuis
plus de 4 ans, au moins émet des sons, et ceux-ci l’obligent
à s’exclure de la haute société. Dehors sur le banc, il siffle,
telle une mécanique infernale réglée sur mode répétitif où
seul les chiens accourent auprès de lui. Il y aurait quelque
chose de néfaste au son, cela ne fonctionne pas, tout comme
les flatuosités qui sortent des bouches des officieux qui
inaugurent la statue ; ça « crapaute »et crachote comme ça siffle drue avec Charlot dès
lors qu’il faille s’exprimer. L’avènement de la parole se
fera sous le régime du sinistre de la guerre en 1939 avec
Le Dictateur, où celui qui parle et maîtrise les ondes
sonores sait soumettre une foule, un peuple, une nation.
Dès lors, reconnaître Charlot tel qu’en lui-même ressort non
pas de l’ouïe, ni même de la vue, mais du tactile, de sa peau
qui semble partir en lambeaux. Lorsque sorti de prison pour
un vol qu’il n’a pas commis, il se retrouve devant la jeune
fleuriste voyante (elle a retrouvé sa vue par son sacrifice).
Séparé par la vitre du magasin de fleur qu’elle dirige, Charlot
n’a plus sa canne, vestige d’une élégance qui l’équilibrait.
Ses vêtements ne tiennent qu’à un fil, que ne manque pas d’arracher
deux garnements, le détroussant de son fond de pantalon, cul
meurtrie par ces sales gamins aux habits propres. Paniqué
à l’idée qu’elle va le reconnaître, Charlot figé d’amour,
va pour partir. Amusée et par pitié pour ce clochard admiratif,
elle sort pour lui donner une pièce et une fleur, et lui prend
sa main. Proche de lui, le regardant, elle reconnaît
son sauveur par la peau. A ce moment précis le cinéaste a
l’idée magnifique de demander à sa comédienne Virginia Cherril
d’aveugler son regard, et ce qui est à voir doit passer par
le flux charnel, par les mémoires sensorielles de sa main,
de sa peau.
Titre :
City Light Réalisateur
: Charlie Chaplin Acteurs :
Charlie Chaplin, Virginia Cherrill, Harry Myers,
Florence Lee, Allan Garcia, Hank Mann Scénario :
Charlie Chaplin. Musique : Charlie Chaplin.
Montage :
Charlie Chaplin. Photographie :
Mark Marlatt, Gordon Pollock, Rolland Totheroh.
Décor :
Charles D. Hall. Productions :
Artistes associés Editeur :
MK2 EditionsLangues : Film muet Sous-titres
: Français / Italien / Allemand / Espagnol / Arabe
/ Bulgare / Roumain / Néerlandais / Croate / Slovène Tournage
: 31 décembre 1927 / 22 janvier 1931 Première
: 30 janvier 1931
Bonus :
Préface de David Robinson (audio : VO et VF 5
min), Documentaire 'Chaplin aujourd'hui' réalisé
par Serge Bromberg avec Peter Lord (VO et VF 26
min), Le tournage : Séquence de la rencontre entre
Charlot et la fleuriste (8 min) Huit minutes rares
et d’assez bonne qualité (du grain mais un beau
master) où l’on peut voir Chaplin sur le plateau
de son film, notamment pour le tournage de la
fameuse scène de la rencontre. Document disponible
en vidéo depuis 1985 grâce au documentaire anglo-saxon
de 3x1heure Portrait de Chaplin de
Kevin Brownlow et David Gill (Pierre Tchernia
narrateur, ce film fut diffusé sur France 3 à
l’époque), Winston Churchill sur le plateau (1
min), Home movies de Chaplin en voyage à Bali
(10 min), Chaplin à Vienne parle pour la première
fois devant les caméras (4 min), The Dream Prince
: Scène jamais montée (2 min), Scène coupée (7
min), Première du film (3 min), Essais de Georgia
Hale (3 min), Répétition de la mécanique d'une
scène difficile (1 min), Extraits de The champion
(9 min), Chaplin et les boxeurs : Chaplin s'amuse
à boxer contre les professionnels (4 min), Bande-annonce
du film (8 min), Galerie d'affiches : une
douzaine de très belles affiches du film, dans
toutes les langues, Galerie de photos classées
en différents chapitres, quelques 140 photos de
tournage proposées sous forme de diaporama, de
très belle qualité, Extraits des films de la Collection
Chaplin : 12 minutes d’extraits des longs-métrages
de Chaplin sortis sous emblème Mk2 / Warner :
Le Kid, L’opinion publique, La ruée vers l’or,
Le cirque, Les lumières de la ville, Les temps
modernes, Le dictateur, Monsieur Verdoux, Les
feux de la rampe, Un roi à New York et La grande
revue de Charlot.