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Si le parcours d'Élodie Bouchez dans
Stormy weather n'est, hélas, pas un sans-faute, ce
n'est pas du tout le cas de Didda Jónsdóttir, qui interprète
à merveille le rôle de Loà. Son visage anguleux, ses cheveux
en bataille, ses yeux d'un bleu profond, sa voix rocailleuse,
presque cassée (que l'on n'entend pourtant que lors de quelques
cris de détresse poussés dans la forêt), sans parler de sa
seule présence physique quelque peu troublante, en font une
« écorchée vif » sur mesure. Après avoir « castée »
de nombreuses actrices islandaises - hélas sans grand succès
- Sólveig rencontre, par hasard, Didda Jonsdottir dans un
café à Reykjavik. Un lien étroit s'établit alors entre les
deux jeunes femmes qui ne se connaissaient pourtant pas. Didda
est une poétesse appréciée en Islande dont la renommée ne
cesse de grandir depuis sa prestation dans le film (Voir annexe
sur Didda). À la fin du tournage, Didda avoue à Sólveig qu'elle-même
avait cessé de s'exprimer pendant toute une année. Elle avait
même écrit une histoire dans laquelle le personnage se réfugie
dans un silence absolu. Si l'on en croit les paroles éclairées
et poétiques de Didda : « Les Islandais sont comme
des petites îles séparées les uns des autres par la mer. Parfois,
ils se rencontrent, parfois non ». Sólveig Anspach
dédie son film à sa grand-mère qui vit encore sur Heimaey
: « Elle a l'habitude de garder la porte de sa maison
ouverte aux heures des repas. Les nécessiteux se retrouvent
dans sa demeure. Elle leur interdit de consommer de l'alcool,
et à la place, elle leur donne un grand verre de lait ».
En résumé
Film très personnel au vécu palpable, Sólveig Anspach nous
livre, avec Stormy weather, une interrogation sur le
monde de l'aliénation. Elle questionne le spectateur sur les
fêlures inhérentes à chaque être humain, quel que soit le
lieu où ce dernier réside. Elle nous parle de la difficulté
d'être et des « techniques » que l'être humain déploie
pour continuer à vivre, à survivre.
Le film a été, hélas, plutôt mal accueilli
par la critique française dont la réalisatrice déplore,
d'ailleurs, le côté définitif et intransigeant du jugement.
Même s'il est vrai que le scénario est parfois un peu confus,
qu'il comporte quelques flottements et incertitudes, que
la narration suit quelquefois des méandres un peu chaotiques,
l'œuvre a, au moins, le mérite d'exister. Stormy weather
est, dans une certaine mesure, semblable à l'état d'esprit
et à la confusion mentale dans lesquels se trouvent Loà
et Cora. De plus, lorsqu'on se retrouve en présence de Sólveig,
petite femme brune au visage rond et aux yeux bleus, à la
fragilité apparente, on ne peut se montrer que conciliant
face aux quelques imperfections de son film. Sa détermination
à achever son travail, en dépit des nombreuses difficultés
rencontrées (problèmes financiers, jongleries entre différentes
nationalités et lieux de tournage, etc), est déjà plus que
louable.
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Didda Sigurlaug Jónsdóttir :
elle est née le 29 novembre 1964 à Selfoss, petite
ville du sud de l'Islande, distante de quelque 60
kilomètres de Reykjavík. Deux semaines seulement
après sa naissance, ses parents déménagent dans
la capitale où elle y grandit. Elle change plusieurs
fois d'écoles élémentaires et retourne à l'école
secondaire dans sa ville natale, puis de nouveau
à Reykjavík. Pendant deux ans (de 1987 à 1989),
Didda étudie à l'Institut d'enseignement technique
de Cordwainers à Londres et obtient son diplôme
de maroquinerie. Elle est la seule à posséder cette
qualification en Islande ! Dans les années quatre-vingt,
Didda écrit de nombreuses chansons pour des groupes
islandais. La plus connue est « Ó Reykjavík,
ó Reykjavík » interprété par le groupe punk
islandais Vonbrigdi. Sa première publication - un
recueil de poésie au titre hautement évocateur –
« Lastafans og lausar skrúfur » (« Vices
abondants et baises faciles ») est éditée en
1995. Depuis, Didda a publié deux romans, « Erta »
(1997) et « Gullid í höfdinu : hetjusaga »
(1999). Didda séjourne à Londres en 1997-1998, puis
part s'installer à Cuba pour une année. En 1999,
elle retourne vivre à Reykjavík en compagnie de
ses deux fils. Elle exerce depuis de nombreux métiers
tout en poursuivant sa carrière d'écrivain. On la
retrouve ensuite dans Stormy weather, dans
lequel elle interprète le rôle de Loà. Le film de
la réalisatrice franco-islandaise a été projeté
en avant-première au festival de Cannes en 2003
dans la compétition « Un certain regard ».
La même année, Didda remporte l'Edda (une sorte
d'Oscar islandais) pour le rôle de la meilleure
actrice de l'année. Ce prix national est décerné
conjointement par les professions du cinéma, de
la télévision et de la vidéo.
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