Désabusée, Sólveig a aussi abordé, lors de cette rencontre,
les difficultés inhérentes aux financements de la production
de Stormy weather (après quelques remarques piquantes,
bien que loin d'être injustifiées sur l'hégémonie d'un certain
cinéma américain, notamment en Islande). Corollaire indispensable
à la réalisation du film et, par conséquent à la « collecte »
d'un budget confortable, Sólveig devait trouver une tête d'affiche
emblématique. Elle a abordé Élodie Bouchez un peu à reculons,
ne pensant pas de prime abord particulièrement à cette artiste.
Comme elle l'a expliqué, « travailler avec des actrices
françaises la perturbe quelque peu. D'abord, elles n'ont pas
une maîtrise suffisante de l'anglais et, de plus »,
rajoute-t-elle ironique, « ces dernières tombent invariablement
enceintes quelque temps après que je leur propose de tourner
dans un de mes films ». Rationaliste, Sólveig ne
se sent pas pourvus des aptitudes du Saint-esprit, mais se
pose tout de même quelques questions. Pour éviter tout problème
avec Élodie Bouchez, elle s'est d'abord longuement entretenue
avec l'actrice pour savoir si cette dernière n'avait pas l'intention
d'être une future parturiente.
Hélas, dans la première partie du
film, Élodie Bouchez se révèle parfois peu crédible sous
les traits d'une psychiatre tirée à quatre épingles, même
derrière des lunettes et un chignon impeccable qui lui donnent
un aspect on ne peut plus sérieux. Elle s'en tire beaucoup
mieux dans la deuxième partie, dès qu'elle débarque en Islande.
Elle s'immerge alors plus profondément dans son élément,
et retrouve son habitude d'interpréter des rôles où elle
se tient d'avantage sur le fil du rasoir. Son contre-emploi
n'est donc pas une réussite totale. Son physique et sa stature
la cantonneraient plutôt à un répertoire d' « outsiders »
comme notamment dans La vie rêvé des anges où elle
excelle littéralement dans le rôle d'Isabelle (3). Dixit
la réalisatrice, Élodie est plutôt habituée à un registre
de « déjantées ».
Fort heureusement, Stormy weather a quand même pu
voir le jour grâce à la bonne volonté et aux efforts conjugués,
notamment des frères Dardenne (Le fils, Rosetta,
etc.) et de Baltazar Kormakur. Acteur très populaire en
Islande, scénariste, réalisateur et producteur de ses deux
longs-métrages (101 Reykjavik, d'après le roman éponyme
de Hallgrímur Helgason, sorte de film sur la « Movida »
islandaise avec Victoria Abril et le plus récent The
sea, drame familial sur fond de règlement de compte
dans un village maritime au fin fond de l'Île). Baltazar
joue le rôle d'Einar, un médecin humaniste et pragmatique.
Autre acteur récurrent du cinéma insulaire, Ingvar Eggert
Sigurdsson qui interprète Gunnar. Époux quelque peu dépassé
par les événements, il s'accroche tant bien que mal à ses
certitudes chancelantes. Comme le dit si joliment Sólveig
à propos de lui : « Son visage caractéristique est
à lui seul un paysage islandais ». (4).