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L'Interaction entre l'observant et l'observé

  Solveig Anspach (c) D.R.
Sólveig Anspach maîtrise à merveille son argument, celui de la folie, du déracinement, du désespoir que crée un environnement austère et inconnu. Elle s'est immergée à fond dans l'univers psychiatrique pour offrir aux spectateurs un film débarrassé des clichés du genre, si préjudiciable à la cohérence et à la crédibilité d'un film. La réalisatrice le reconnaît elle-même, en préambule de la présentation de son film. Elle n'a pas la prétention de donner toutes les réponses aux questions abordées dans son troisième opus. Sólveig a commencé par étudier la philosophie avant de poursuivre des études en psychologie clinique. Elle a travaillé avec des enfants psychotiques ce qui lui a donné, entre autres, l'idée de départ sur l'enfermement des êtres. Mais l'idée maîtresse du scénario découle d'un fait réel, similaire au postulat de base de Stormy weather. Quoi qu'il en soit, l'humain et son bien-être, sont au centre des préoccupations de la réalisatrice. « Pour ne pas être comme l'équipage d'un ovni qui débarque dans un endroit, filme les scènes nécessaires, pour redécoller aussitôt », Sólveig et son équipe - et notamment Élodie Bouchez qui interprète le rôle de Cora Levine et Didda Jonsdottir qui joue celui Loà se sont immergées dans le monde si particulier de l'univers psychiatrique. Après avoir passée quelques nuits dans l'hôpital, Sólveig a demandé à Didda si elle acceptait, à son tour, d'en faire autant. Cette dernière, qui interprète avec une telle intensité son rôle, a accepté, sans rechigner, la proposition. Comme l'explique Sólveig, « La vie nocturne dans un hôpital psychiatrique est sans conteste différente de celle qui se déroule en pleine journée ». Sólveig a discuté avec de nombreux patients, expliqué ce qu'était la genèse d'un film et les différentes étapes de la création filmique. Après la projection de Stormy weather au public toulousain, Sólveig l'a régalé de quelques d'anecdotes de tournages pour le moins significatives, des remarques douces-amères, parfois cocasses, sur l'univers de la psychiatrie. Telle cette histoire truculente. Alors qu'elle est attablée en compagnie d'autres patients de l'hôpital, une infirmière s'approche doucement d'elle et la convie, sur un ton condescendant et maternaliste, à la projection d'un long-métrage, Haut les cœurs. Sólveig réplique alors qu'elle est parfaitement au courant de cette projection puisque, non contente d'en être l'initiatrice, elle est aussi de surcroît, la réalisatrice dudit film. Sans se démonter, l'infirmière lui réplique : « Bien sûr, je ne veux pas polémiquer sur ce point avec vous, mais rejoignez vite la salle où le film va être projeté, s'il vous plaît ». Elle aurait dit qu'elle était la réincarnation de Mata-Hari que l'effet n'aurait pas été différent !

À juste titre et en connaissance de cause, Sólveig oppose aussi les images des brochures publicitaires qui vantent les splendeurs estivales de l'Islande, saison pendant laquelle le soleil ne se couche presque pas, à la chape de plomb qui recouvre les mêmes paysages, en hiver, lorsque le soleil et la lumière ne sont plus que de lointains souvenirs dont on attend le retour avec une impatience fébrile. Là, le ciel est comme un linceul d'un noir impénétrable et profond, la dépression et le suicide guettent alors de nombreux habitants. Dans un pays où règne en hiver un manque quasi totale de luminosité, ou, de plus, le froid fait son office ; dépression, enfermement, étouffement, semblent monnaie courante et avec cela les éléments pathogènes qui en découlent.