« Parfois, je m’amusais à imaginer quelles formes mes
aventures à Babylone pourraient prendre. Il y avait moyen
d’en faire des livres, que j’arrivais à lire dans ma tête ;
mais la plupart du temps, c’était des films qu’on en faisait
(…). »
Richard BRAUTIGAN, Un privé à Babylone
(Dreaming of Babylon, trad. française de
Marc Chénetier)
Christian Bourgois Éditeur, 1981, 2003 pour la traduction
française.
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J’ai découvert le cinéma de Quentin Tarantino sur le tard.
C’était en 1992, Pulp Fiction n’avait pas encore remporté
la Palme d’Or. Un de mes bons amis, grand amateur de Metal
avec qui j’entretenais une saine joute cinéphilique tournant
autour de la constitution d’un inventaire des scènes les plus
atroces vues sur un écran, me fit un jour ouvrir des yeux
grands comme des soucoupes en évoquant une séquence de torture
aussi brutale que « jouissive », à côté desquelles
les mutilations caoutchouteuses de Cannibal Holocaust
(notre référence commune de l’époque, il n’avait pas
vu Mark of the Devil) était parfaitement grossières.
Un terme surtout qu’il employa résonna longtemps dans mes
oreilles : élégance. Chow Yun-Fat vidant ses .45 au ralenti
dans A toute épreuve, c’était pour moi la plus haute
représentation de l’élégance au cinéma, alors une scène de
torture élégante, je demandais à voir. Sur le coup, bien sûr,
je fis une moue dubitative, et citait Mark of the Devil
(puisqu’il ne l’avait pas vu, n’est-ce pas…) pour clore cette
ennuyeuse conversation, et m'empressait par la suite de me
procurer une VHS.
J’avais souvenir d’avoir lu sur ce film, Reservoir Dogs,
des choses plutôt flatteuses, bien que j'avais connaissance
qu'il s'agissait d’un remake de City on Fire de Ringo
Lam, prétendument le pendant de The Killer en terme
de mystique Chow-Yun Fatienne; Que Tarantino (déjà, il n’avait
plus de prénom, la marque des grands) avait travaillé dans
un vidéo-club, que Tarantino était d’abord scénariste, et
que Tarantino était un vrai cinéaste : en tout cas, il
citait beaucoup de cinéastes dans ses interviews, et encore
plus de films, ce qui était donc bien pour moi la marque du
génie.
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Lorsque je vis Reservoir Dogs, je fus, je dois l’avouer,
bien embêté : je n’avais reconnu aucune citation directe.
Bien sûr, on y réduisait en miettes un pare-brise de voiture
et ses deux occupants à coup de Beretta, mais c’était trop
maigre pour faire figurer ce film dans ma A-liste de films
occidentaux qui avait compris que, désormais, compter sans
l’Asie était le signe évident d’un déclin fatal de la culture
occidentale. Le Dernier Samaritain valait de ce point
de vue beaucoup mieux, voire L’Arme Fatale 2. Effectivement,
la scène de torture était excitante, mais j’en attribuais
tout le mérite à sa remarquable bande-son.
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