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Le Cirque (c) D.R.

Dans le labyrinthe aux miroirs de la fête foraine se niche une nouvelle notion, celle de progression. En effet, la première fois que Charlot entre dans le labyrinthe, il y est en perdition, se cognant aux mille images des miroirs. Mais, il comprend et maîtrise son environnement très vite, et c’est finalement lui qui assène des coups de pieds au pickpocket, lui aussi perdu. De plus, à la deuxième occurrence de cet épisode du labyrinthe, Charlot va même jusqu’à jouer de ses images pour tromper le policier et filer entre ses doigts. Cette idée de progression est intéressante car elle est contraire à la figure du cercle que l’on vient de définir. En effet, s’il y a progression, il n’y a plus de répétition circulaire, la circularité est condamnée. Est-ce à dire que l’on peut échapper à son cercle ? Comme on va le voir, en ce début de film, la réponse de Chaplin semble être positive. Ainsi, si l’on quitte son cercle, c’est pour intercepter le cercle voisin, comme le montre l’arrivée de Charlot dans le cirque. Lorsque Charlot débarque dans le cirque, on a deux cercles qui s’interceptent dans un double croisement géométrique : le cercle de Charlot (que l’on peut définir comme « ayant à fuir le policier ») et celui du cirque (illustré par le « numéro de magie de l’illusionniste Bosco »). On peut d’ailleurs remarquer une certaine habitude, une certaine suffisance de la part de l’illusionniste dans l’accomplissement de son numéro –de son cercle- : c’est une affaire « rondement » menée (il serait intéressant de savoir s’il existe une expression similaire en anglais). Alors que précédemment, deux tentatives d’interception avaient échoué (celle de Charlot qui mange le gâteau du bébé et celle du bourgeois volé qui voyait son portefeuille dans les mains de Charlot), ici, dans une double interception, Merna -du cirque- se fait frapper par le policier -de Charlot-, puis Charlot -déjà du cirque ?- rend le portefeuille à un policier. L’image littérale de cette interférence de cercles est le cercle-manège sur lequel courent les clowns du cirque qui cèdent bientôt la place à Charlot et à son policier. La liaison est établie. Les cercles s’interpénètrent. La suture est donc, en apparence, possible. Plus tard, lorsque les clowns viennent apporter à manger à Merna, malgré l’interdiction de son père, ou bien lorsque celui-ci vient lui retirer son assiette, les raccords « latéraux » du mouvement des corps fonctionnent maintenant de manière logique (sortie à gauche du cadre et entrée, dans le plan suivant, par la droite, et vice versa).

  Le Cirque (c) D.R.

A ce titre, la première rencontre de Charlot avec Merna, est un exemple qui synthétise étonnamment les deux formes de raccords « frontaux » et « latéraux ». On est alors dans un entre-deux significatif : on n’a plus tout à fait la première loi de raccorder dans l’axe, strictement, de manière frontale, comme on l’a vu jusqu’à maintenant, mais on n’a pas encore réellement un champ contre champ, comme on l’aura par la suite. Cet endroit du passage d’une forme à l’autre est donc à souligner. En effet, en passant d’un plan général comprenant dans le champ Merna et Charlot, puis en découpant dans ce cadre, une image plus petite qui est le plan rapproché de Merna, on est en présence d’un entre-deux formel. Ce passage peut rendre compte d’un premier rapprochement de deux cercles, celui de Merna et celui de Charlot. Le cercle de Charlot engloberait le cercle de Merna, comme le plan d’ensemble sur Charlot englobe, contient en son sein, le plan rapproché de Merna. S’ensuit le premier véritable champ contre champ du film. Puis Merna apprend à Charlot qu’elle aussi fait partie du cirque (et que, donc, elle et lui font maintenant partie du même cercle) : elle lui dit même exécuter un numéro avec un cerceau.

Mais les apparences sont trompeuses. Ce n’est pas parce qu’on est dans le même cirque qu’on est dans le même cercle : lors des essais de Charlot pour être intégrer à la troupe du cirque, on retrouve encore un raccord à contre-axe quand le directeur sermonne Charlot d’un geste brutal pour qu’il s’applique à jouer le jeu, dans le numéro des clowns qui se badigeonnent le visage de mousse. De même, le raccord dans le mouvement de levée du directeur, qui, furieux, quitte sa chaise pour aller montrer à Charlot ce qu’il attend de lui avec les pinceaux de mousse, est à contre-axe puisque le directeur sort du cadre par la gauche et y rentre, au plan suivant, par ce même côté.