LE REGARD DE MULDER
Récemment une discussion passionnée et
houleuse m’a opposée à un ami à propos de la série parrainée
par Spielberg, Taken, qui tente de retracer une histoire
américaine de l’ufologie tout en extrapolant sur l’existence
d’extraterrestres. Le sujet de discorde est apparu lorsque
mon ami, pour étayer sa thèse selon laquelle cette série est
particulièrement remarquable, s’est mis en tête de l’opposer
à la série X-Files et de présenter cette dernière à travers
le philtre de son opinion négative, le but de l’opération étant
de mettre en lumière toutes les prétendues qualités de Taken.
Hors il ignorait que j’étais moi-même un ardent défenseur d’X-Files.
Un combat courtois mais acharné s’engagea donc autour du thème
de l’ufologie, de son mystère et de sa représentation dans les
deux séries incriminées. Cependant il ne fallut pas beaucoup
d’échanges d’e-mails enflammés pour que je me rende compte que
le champ de comparaison était trop restreint et que la dispute
commençait à patiner sans laisser entrevoir d’issue ou de vainqueur.
Alors que je commençais à désespérer de ne jamais convaincre
mon adversaire, je pris soudain conscience de mon erreur, qui
me révéla en même temps le chemin de la victoire : X-Files
ne pouvait être uniquement perçue comme une série traitant de
la recherche de petits hommes verts ; en effet, son cadre
et sa consistance englobait, mais débordait ce thème, pour
le transfigurer dans une vision originale et moderne de l’Amérique,
là ou Spielberg se contentait d’effectuer ses éternelles régressions
infantiles par le biais de son extension de Rencontres du
troisième type.
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Ce qui est particulièrement passionnant
avec X-Files, c’est que cette série épouse le point de
vue d’un homme isolé cherchant à trouver sa place dans la société
américaine, et qu’elle le fait en adoptant un regard adulte
et quasi psychanalytique sur cette dernière. J’affirme ici que
la série adopte le point de vue de Mulder, car le spectateur
est placé devant des vérités qui lui ont été révélées et qu’il
pressent, alors que sa collègue Scully les réfute. L’identification
est donc fortement orientée vers Mulder, même si les épisodes
comportent de nombreuses variations sur les positions morales
et professionnelles des deux agents du FBI. On peut remarquer
que l’approche de Mulder est une approche plus féminine, puisque
sentimentale et intuitive, alors que Scully campe dans le pragmatisme
et le matérialisme ; les rapports hommes femmes sont donc
partiellement inversés.
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