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En comprenant les motivations de ces
monstres il se comprend et se soigne lui-même, même si cette
guérison est souvent douloureuse, comme dans l’épisode Oubliette,
où une femme kidnappée dans son enfance revit ses souffrances
à travers les yeux d’une autre kidnappée et finit par se sacrifier
pour elle. Ce sacrifice apparaît comme une étape décisive
dans la progression de Mulder, puisqu’il se présente comme
le lien social le plus extrême et irréversible et lui démontre
ses lacunes dans le partage et le voyage vers l’autre. Il
est particulièrement intéressant de remarquer que lorsque
ce chemin de compassion n’a pas été accompli, l’enquête est
souvent présentée comme un échec pou l’agent du FBI, comme
si le but de ses investigations n’était pas tellement de résoudre
des énigmes, mais plutôt de se fouiller et d’extraire l’incompréhension
de lui-même, même si cela doit contredire la phrase conductrice
de la série, « La vérité est ailleurs »…
Cette particularité est particulièrement visible pour les
deux épisodes consacrés au tueur Model, qui possède la capacité
d’infléchir les pensées de ses victimes. Le premier de ces
deux épisodes se déroule au cœur de la troisième saison. Lors
de cette première approche, les rapports entre Model et Mulder
sont purement haineux et compétitifs, car leurs pensées s’affrontent
impitoyablement. Les scénaristes ont donc ressenti le besoin
de réintroduire le personnage au cours de la saison 5, et
cette fois-ci le rapport est complètement différent, puisque
Model est tente lui-même de contrer une femme qui possède
les mêmes pouvoirs. Mulder peut donc observer son humanité
et effectuer son travail de compréhension et de dépassement
des postulats hâtifs.
Parfois les amours manqués,
qui parsèment les épisodes de la série, sont directement liés
aux deux personnages principaux, comme dans l’épisode de la
sixième saison, Alpha, au cours duquel une spécialiste
des chiens qui vit reclus, tombe amoureuse de Mulder avant
de mourir des mains d’un meurtrier loup garou. Ici le chemin
de compassion est tel qu’il s’érotise, est partagé, et devient
presque une histoire d’amour.
Le regard de Mulder sur la
société américaine évolue donc entre cynisme (son humour pince-sans-rire
est remarquable) et compassion. La conclusion qui semble se
dessiner au bout des deux cents et quelques épisodes d’X-Files est que Mulder a sa place dans une société consciente de ses
souffrances, dans un rêve américain brisé, mais remythifié
à travers l’aspect fantastique et paranormal des névroses
des monstres humains qui le peuplent. La compassion de Mulder
pour ces monstres lui permet de se comprendre et de s’aimer,
tout comme notre compassion pour lui nous aide à mieux nous
connaître.