Or, dans Les yeux sans visage Franju s’applique à rendre tous ses personnages humains, ambiguës, parfois partagés ou assaillis par le doute.

Leur traitement réaliste (et non caricatural) rend l’identification possible à chacun d’eux. Ce qui amène le spectateur à s’interroger sur les motivations de leurs actes. Par exemple :

- Comment un être humain, par ambition ou par amour pour sa fille, peut-il être amené à anéantir d’autres êtres humains ?

- Pourquoi Louise obéit elle au docteur avec tant de détermination, alors qu’elle a l’air troublé et effrayé par ses propres actes ?

- Pourquoi et comment Christiane en est-elle arrivée à accepter les actes horribles de son père ?  (elle ne réagit qu’à la fin, en délivrant la victime)

De plus, par certains choix de mise en scène, le spectateur peut être amené à se poser des questions sur le sens du film. Par exemple :

- Pourquoi le personnage de Christiane est-il traité de façon quasi onirique comme si, sans visage, elle n’était plus tout à fait un être humain. Cela signifie-t’- il que le docteur ne parvient pas à voir au-delà des apparences ?

- Ne pourrait-on pas s’interroger sur l’utilisation quasi symbolique du masque ? L’importance que Franju lui donne ne peut-elle pas être mise en parallèle avec les apparences sociales et le pouvoir qu’elles confèrent à certains ?

Bref, par le choix d’un esthétisme singulier entre réalisme et fantastique, par l’utilisation de figures symboliques et d’ évocations récurrentes, on sent bien qu’à travers Les yeux sans visage Franju nous parle du regard porté sur les êtres, du semblant et du faux semblant, du pouvoir, de l’aveuglement, et par là même, de la négation totale de la personne, de l’être humain….

Néanmoins, Franju n’assène pas de vérité ni ne donne de leçons, il suscite des questions, évoque des thèmes qui lui sont chers, ouvre des portes et invite le spectateur à  trouver des correspondances  entre chacune d’elle et à se faire sa propre interprétation.

Cette partie de la discussion peut inciter les élèves à débattre des questions que eux même se posent après la vision de ce film.

Mais il me semble très important de conclure en disant aux élèves que toutes ces observations sont la suite d’une analyse méticuleuse du film. Et qu’il n’est pas forcément nécessaire de passer par là pour comprendre et apprécier un film. Le cinéma étant un mode d’expression étroitement lié au plaisir de découvrir des images, de s’engouffrer dans une histoire, observer des personnages…ect.