|
|
|
|
Les décollations de Sleepy Hollow
convoquent le mythe de Frankenstein présent chez Burton depuis
son deuxième court, Frankenweenie… Son cinéma instrumentalise
des souvenirs de cinéma tels des greffons, cette opération
toujours sujette à rejet, touche ici un point d’orgue – et
final ? Sont convoqués les films de la Hammer, ceux de
Corman et surtout le Masque du Démon de Mario Bava.
Ce dernier est déjà explicitement cité dans Batman :
le retour, lorsque Michael Keaton rentre dans un sarcophage
hérissé de pointes vers l’intérieur pour accéder à la « batcave »
et devenir Batman. Dans Sleepy Hollow, une scène de
rêve montre Johnny Depp enfant contempler sa mère périr dans
cet appareil de torture (c’est le début du film de Bava) et
en être marqué physiquement : d’effroi il pose
ses mains sur des piques qui les transpercent.
Que Burton ait été marqué enfant par toute une frange du cinéma
d’épouvante n’est certes pas un mystère. Ed Wood et
Mars attacks… furent déjà des hommages. Mais ici, l’introspection
semble aller plus loin puisque Burton se met directement à
l’épreuve au travers du personnage de Depp – son alter
ego pour la troisième fois – auquel Christopher Lee (3)
défie de faire la preuve de ses qualités de détective aux
techniques modernes.
|
|
|
|
Le cinéaste, lui aussi, est testé…
est-il un homme de son temps ? Tim Burton occis donc
une idole du passé dès le pré-générique : la première
victime du cavalier sans tête est Martin Landau (d’ailleurs
détenteur d’un testament…) qui dans Ed Wood incarnait
Belá Lugosi – père spirituel de Ed Wood Jr… Dès lors, Sleepy
Hollow s’emplit de sa propre imagerie –souvent anachronique :
des épouvantails à têtes de citrouilles, la cape et le plastron
noirs du vilain évoquant Batman, Depp retrouvant sa composition
lunaire de Edward… La liste est sans fin.
Tim Burton profite de l’occasion (il
est rappelé que nous sommes à l’aube d’un siècle nouveau)
pour se débarrasser de son fardeau référentiel, dans l’explosion
finale d’un moulin qui renvoie au Frankenstein de
James Whale (1931) mais qui est pulvérisé dans un délire
pyrotechnique et d’images de synthèse très fin 90 – de même
la Terre ravagée à la fin de Mars Attacks !
était une remise à zéro. D’ailleurs les derniers mots de
Depp ne sont-ils pas : « …juste à temps pour
le nouveau siècle ! ».
C’est un cri du réalisateur qui a enfin tué ses pères (qui
sont maintenant des pairs), et demande à être jugé pour
ses films et non pour ses références. Dont acte.
|
|
1) Squelettes,
araignées et jack-o’-lanterns (citrouilles
évidées) qu’adolescent il peignait sur des vitrines
arpentent encore son oeuvre cinématographique.
2) Elle
fut adaptée dès 1912 par Etienne Artaud et Disney
en fit une aventure de Mickey en 1958…
3)
Il fut le Dracula de Terrence Fisher, pour
la Hammer...
|
|