SYNOPSIS : Au
temps de la République fasciste de Mussolini, entre 1943 et
1945, quelques détenteurs du pouvoir, un duc, un évêque, un
juge et un banquier mettent en scène dans un château Les
cent vingt journées de Sodome du Marquis de Sade.
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Retour sur Salò ou
les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini édité
en DVD par Carlotta Films.
CE LIEU SANS LIMITES
« (…) ce sont les destinataires
de bonne foi qui acceptent de jouer. Ceux qui sont de mauvaise
foi font « leur » jeu, autrement dit, on le sait,
ne savent pas jouer. Le fascisme est un comportement triste
et joué d’avance »
Pier Paolo Pasolini, Ecrits
sur le cinéma, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma
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L’horreur est aussi l’affaire des poètes,
des pendus de François Villon aux Fleurs du Mal de Charles
Baudelaire, du poison exhalé des Chants de Maldoror de
Lautréamont à l’extase mortelle de Jean Cocteau dans le Testament
d’Orphée (1963), lâchant dans un râle mêlant jouissance
et agonie : « quelle horreur, quelle horreur ».
Et l’horreur qui est à l’œuvre dans Salò, soleil noir
de l’œuvre pasolinienne - son point aveugle -, œuvre au noir
inscrivant au fer blanc la chair même de toute conscience spectatorielle
(c’est déjà le générique, fond jaune bile, lettres rouge brun
tel du sang caillé, ses couleurs organiques mortes et nauséeuses)
d’un artiste qui n’a jamais caché sa passion pour l’alchimie
(et les travaux de Carl Gustav Jung s’y consacrant), répond
d’avance à la mort sordide du poète sur une plage d’Ostie la
nuit du 1er au 02 novembre 1975, précédant de peu
la sortie du film : « la mort opère une synthèse
rapide de la vie écoulée et la lumière qu’elle projette rétroactivement
sur cette vie discerne les moments saillants en les transformant
en des actes mythiques ou moraux, qui se situent hors du temps »
(1). L’assassinat du cinéaste comme dernier acte involontaire
(du martyrologe pasolinien : la mort se doit avant tout
d’être chez lui fulgurante et exemplaire), ultime bobine, addendum
ou coda de Salò et donc d’une œuvre dont la force est
de pouvoir s’approprier le réel même comme continuation de celle-ci,
semble à la fois devoir conclure définitivement la chaîne mortifère
établie dans le film, et à la fois signifier à quel point Pasolini
appartenait, affectivement comme politiquement, au groupe des
victimes représentées dans son film, mortes comme lui est mort :
« …comme un chien » selon les ultimes paroles
de Joseph K dans Le Procès de Franz Kafka.
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