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Mystic River (c) D.R. MYSTIC RIVER
de Clint Eastwood
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Jimmy Markum, Dave Boyle et Sean Devine ont grandi ensemble dans les rues de Boston. Rien ne semblait devoir altérer le cours de leur amitié jusqu'au jour où Dave se fit enlever par un inconnu sous les yeux de ses amis. Leur complicité juvénile ne résista pas à un tel événement et leurs chemins se séparèrent inéluctablement. Jimmy sombra pendant quelque temps dans la délinquance, Sean s'engagea dans la police, Dave se replia sur lui-même, se contenta de petits boulots et vécut durant plusieurs années avec sa mère avant d'épouser Celeste.

Une nouvelle tragédie rapproche soudain les trois hommes : Katie, la fille de Jimmy, est retrouvée morte au fond d'un fossé. Le père endeuillé ne rêve plus que d'une chose : se venger. Et Sean, affecté à l'enquête, croit connaître le coupable : Dave Boyle...

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ANATOMIE DE L’ENFER

L'institution de l'image, c'est cela : la formulation d'une exigence vitale, en posant une prohibition, qui met en scène la fonction paternelle comme fonction d'arrachement du sujet à lui-même.
Pierre Legendre, L’inestimable objet de la transmission, Etude sur le principe généalogique en Occident, ed. Fayard 1985.

La raison d'être fondamentale d'un lieu de mémoire est d'arrêter le temps, de bloquer le travail de l'oubli, de fixer un état des choses, d'immortaliser la mort, de matérialiser l'immatérie.
Pierre Nora, Les lieux de mémoire, in La République, p.35.



  Clint Eastwood (c) D.R.
Dans Mystic River de Clint Eastwood, un film profondément langien, l’enfance est associé au monde du jeu, au théâtre de la rue, et à la balle perdue dans la bouche d’égout signe à la fois la fin de l’innocence et la chute infernal dans le monde d’adultes, comparé à une descente aux enfers.
Charles Tesson, Malaise dans la civilisation, Les Cahiers du Cinéma, n°580, juin 2033

Il y a un peu plus de vingt ans de cela, un gamin, (un adolescent plus précisément) partait le long des routes d’une Amérique fouettée par la Grande Dépression. Il avait les poches trouées de misères, une guitare enroulée au cœur, et le sourire au vent. Il y a à peine dix ans, un gamin s’envolait dans les airs, les poches pleines de sang d’une Amérique blessée au cœur (26 secondes d’images qui ont ébranlé le monde pour citer l’étude d’un confrère sur l’assassinat de John F. Kennedy [i]) avec une carte qui le reliait au père disparu. Il y a quelques mois, deux gamins, sans re-pères, dont un mutique, s’amusent à tuer comme ça, maintenant en Amérique.

Honkytonk Man en 1982, Un monde parfait en 1993 et Mystic river cet automne 2003, trois récits qui tracent le chemin de la filiation jusqu’aux abîmes noirs de la perte et à la malédiction de la transmission. Ce sont trois films qui traitent du mal du père, de cet inestimable objet de la transmission entaché de nostalgie (en grec, cela signifie retour de la douleur) et de mélancoliques espoirs avec Honkytonk man, du crime avec Un monde parfait et dernièrement de l’absolue terreur avec Mystic river. Avec la transgression comme la bascule au monde des adultes, et qui, en vingt ans, s’est progressivement obscurcie. Hoss d’Honkytonk Man (interprété par Kyle Eastwood qui joue une histoire de mains avec son père) fumait un peu et volait des poules, Buzz le fantôme, l’enfant sans père d’un Monde parfait, captivé par son arracheur de mère (une femme seule témoin de Jehovah), interprété par Kevin Coster (son unique grand rôle au cinéma) tire sur son père comme pour mieux le reconnaître, et les gamins de Mystic River, à la généalogie tortueuse, sans voix, tuent et massacrent.