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Feux rouges (c) D.R. FEUX ROUGES
de Cédric Kahn
Par Marc LEPOIVRE

SYNOPSIS : Paris, l'été, un week-end de grand départ. Antoine se réjouit de retrouver sa femme Hélène pour partir chercher leurs enfants en colonie de vacances dans le sud de la France. Elle est en retard, il boit en l'attendant.

Dans la voiture, exaspéré par la chaleur et les embouteillages, Antoine décide de quitter l'autoroute et s'arrête encore dans un bar. Sous l'excitation de l'alcool, il se met à conduire de plus en plus dangereusement. Le couple se dispute violemment. Hélène décide de partir à pied, seule dans la nuit.

La police est à la poursuite d'un criminel en cavale. Antoine, à la recherche de sa femme, croise la route d'un étrange individu...


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ANALYSE

  Cédric Kahn (c) D.R.

Feux rouges confirme magistralement une réalité du paysage cinématographique français actuel : Cédric Kahn est le plus grand cinéaste français de l’angoisse. Non pas tant en tant que contenu ou effet recherché sur le spectateur, selon une démarche classique d’une recherche de la peur. Mais en tant que motif qui anime les personnages et en tant que principe structurant du récit. Bref, l’angoisse chez Cédric Kahn est une matière et une forme, un thème et une structure.

Adapté d’un roman de Simenon, dont l’action se déroule aux Etats Unis, Feux rouges est d’abord un film sur le couple, confronté à une crise majeure qui va vérifier (ou pas) la solidité et la vérité de leur amour. Le récit est centré sur l’homme (Jean-Pierre Darroussin). Antoine, employé d’assurances ordinaire, attend sa femme, belle avocate d’affaires (Carole Bouquet) pour prendre la route des vacances et rejoindre leurs deux enfants dans les landes. Mais un retard de sa femme va déclencher un acte lourd de conséquences : Antoine se met à boire. Ensuite, exaspéré par les embouteillages, énervé par sa femme, il s’arrête dans les bars pour boire de plus belle.  A la suite d’une violente dispute, sa femme disparaît littéralement…

L’angoisse atteint son seuil maximal à partir d’un schéma ultra classique : la disparition de l’être aimé, la perte de l’objet d’amour. Mais déjà la force et la rigueur du récit de Feux rouges procèdent d’un décalage progressif de la réalité ordinaire, qui aboutit presque, selon un tempo croissant, à un basculement dans le fantastique (en ce sens , il faut souligner l’apport de Laurence Ferreira Barbosa, co-scénariste fidèle de Cédric Kahn) . Cela commence par de petites touches discrètes (les verres que boit Antoine…) puis prend des proportions de plus en plus considérables et cauchemardesques. Précisément, le personnage d’Antoine, à partir du moment ou il boit, c’est à dire qu’il franchit une limite,  exprime son envie de « sortir des rails », d’échapper un peu à un cadre de vie banal et étouffant ( un couple stable, la route habituelle des vacances, les enfants…). De ce point de vue, l’étrange aventure qui va survenir à Antoine est comme un accomplissement au pied de la lettre de ce désir de dérailler qui tient aussi à un désir de destruction, la fameuse pulsion de mort. On retrouve le postulat d’Eyes Wide Shut, autre immense film sur le couple, qui tient au conflit entre le besoin d’ordre, de sécurité et le désir inverse d’aventure, de destruction.