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Solaris (c) D.R.

Dans Stalker, les plans aquatiques sont également associés au règne du végétal, de la terre, dans lequel les herbes et les plantes ondulent comme une flamme sous le flot de l’eau trouble et tourmentée : « La flore aquatique est, pour certaines âmes, un véritable exotisme, une tentation de rêver un ailleurs, loin des fleurs du soleil, loin de la vie limpide. » (17) Il s’agit d’un simple motif poétique et insensé, mais il reste dramatique car l’absence de sens représente dans ce film « l’inconscience du monde » (18) Il faut montrer au-delà des apparences trompeuses l’univers indissoluble de l’énigmatique, l’insaisissable réel, le spirituel tangible au-delà du feu, du végétal et de l’eau.


CONCLUSION

Le cinéma est un art  capable de créer un univers absolu. Stalker reste une création de la pensée, une reconstruction sensible du monde et le personnage du « Stalker » exprime cette sensibilité dans son dévouement pour les autres. La vertu philosophique de sa mission est de redonner espoir ou plutôt une illusion pour ceux qui auraient perdu la foi. L’intrigue du film étonne tout en restant « à fleur de peau », le drame existentiel se diffuse le long d’un récit atemporel et dénudé de tout artifice. Tarkovski dira lui-même : «  je n’aspirais qu’à la simplicité et à la discrétion de toute l’architectonique du film. » (19)

  Andrei Tarkovski (c) D.R.

Cette reconstruction philosophique du monde repose sur l’athéisme ou plutôt sur un refus de Dieu. A la fin du film, l’écrivain ayant perdu l’espoir se met une couronne d’épines sur la tête et s’exclame : « je ne vous pardonnerai pas. » Il s’agit peut-être d’une amertume que le réalisateur projette sur l’acteur. Durant le tournage du film, Tarkovski avouera : « Ces derniers temps, je sens avec plus d’acuité qu’on entre dans une période d’épreuves tragiques et d’espoirs déçus. Et c’est justement alors que je sens en moi plus que jamais, le besoin de créer. » (20) Cette vitalité créatrice engage la responsabilité de l’artiste qui place sa caméra au-dessus de l’homme vers une ouverture au monde céleste pour transcender l’immanence du quotidien : l’homme qui se bat contre ses tourments les plus secrets, mais sans Dieu.

Le héros « Stalker » représente un corps qui devient esprit, au-delà de tout concept philosophique, le film traduit une métaphysique poétique. Si le protagoniste quitte sa femme pour aller dans la zone, ce n’est pas uniquement parce qu’il est simple d’esprit, mais parce qu’il incarne cet idéal dans la foi. Personnage mystique, il dépasse de loin le rationalisme du professeur et le scepticisme de l’écrivain. Ce guide spirituel représente finalement l’éthique pure d’un homme capable de se sacrifier pour reconstruire « le meilleur des mondes ».




Stalker
: analyse de Juan Asensio sur le film de Tarkovski