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La Jeune Fille à la perle (c) D.R.

Pourtant la relation entre le peintre et son modèle ne tombera jamais dans une ambiguïté répréhensible, tout simplement parce que cela n’est pas permis aux deux protagonistes, et les pressions prohibitrices seront les plus fortes (contraintes morales, financières, hiérarchiques). De plus, ce qui fascine la jeune femme vient avant tout du monde que lui dévoile le maître flamand et sa façon de regarder, qu’il lui transmet inconsciemment. Et ce qui subjugue le peintre vient de la grâce auréolée de couleurs et de lumière qui émane de l’intérêt que Griet manifeste pour son travail. Toute la passion que cette rencontre suscite donc chez les deux personnages restera ainsi inexprimée, et c’est ce qui entretient une telle flamme intérieure.

La récurrence de la mélodie d’Alexandre Desplat vient apporter une profondeur lancinante au mystérieux lien qui unit progressivement les deux passionnés de peinture. Cette  sensualité inexprimée culmine dans les instants de préparation des couleurs du peintre. Leur compréhension commune des harmonies des gouaches et de leur texture épaisse et palpable est filmée avec la mise en scène de brefs frôlements de mains et de longs échanges de regards, qui se déroulent presque en silence, sur le son de quelques soupirs de fatigue de Griet. Aucun dépassement par rapport à ces quelques gestes intenses ne leur est autorisé. La caméra s’appesantit sur ces moments mais ne laisse aucune place au doute : la relation entre le peintre et son modèle ne connaîtra pas de répit. Le point d’orgue de cette rencontre est atteint paradoxalement lorsque le peintre perce l’oreille de son modèle pour y introduire la devenue célèbre perle. Tous deux doivent savoir que leur histoire est arrivée à son terme. Et pourtant les larmes douces-amères de Griet sont un peu celles d’une première amoureuse face à un amant expérimenté. Le sacrifice du modèle est consommé.


Peinture et cinéma

  La Jeune Fille à la perle (c) D.R.

Cette relation entre le peintre et son modèle est loin d’avoir été ignorée par le cinéma. A l’instar des inspirations impressionnistes d’un Jean Renoir, ou de celles plus audacieuses du cinéma expressionniste, Peter Webber ne recherche pas le jugement ou la critique. La société qu’il recrée sur l’écran ne l’intéresse que pour donner sens à la possibilité de créer une œuvre différente qu’a découvert Vermeer en Griet, et pour illustrer la rareté de la relation qui a uni le peintre à son modèle. La tonalité du film s’en révèle à la fois poétique et mélancolique. Car Griet reste prisonnière entre deux univers. Celui de son état d’un côté, de jeune servante membre d’un monde de domestique où l’amour ne peut lui venir que de la simplicité du regard d’un des siens (en l’occurrence le jeune apprenti boucher, Pieter, que les parents de la jeune fille adoptent). Et celui de son ressenti, de l’autre, où les sentiments les plus vifs sont liés à la complexité de l’art, à l’ambiguïté des émotions interdites, et à l’ouverture vers un autre monde plus profond et plus fascinant que représente pour Griet Vermeer.

Cette complexité n’existe à l’écran que grâce à la perpétuelle mise en abîme que crée le travail du peintre. Filmer l’artiste peignant, mettre en image une biographie hors du commun demande la création d’un espace particulier entre l’humanité des personnages représentés et la magie de la création artistique. Ici, la clarté d’une narration linéaire vient donner un cadre cinématographique au classicisme de l’art flamand. La caméra arrive à rendre vivant le supplément de vie que la représentation de Vermeer confère en réalité à son modèle. C’est probablement pourquoi la jeune fille parvient à revenir à sa vie de jeune servante avec le minimum de sérénité nécessaire. Elle n’est pas partie de l’atelier les mains vides. Métaphoriquement, les perles représentent le cadeau que le peintre a offert au quotidien de la jeune fille, à savoir la possibilité de voir le monde autrement.



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Le film a obtenu en septembre dernier le Grand Prix et le Prix du Public au Festival de Dinard 2003.



2003 Girl with a Pearl Earring
2002 The Stretford Wives
2001 Men Only (TV)
1999 Underground (TV)
1997 The Double Life of Franz Schubert (TV)