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Prince of Darkness reprend
ce schéma du mal qui ne cherche pas à se dissimuler, et qui,
à l'inverse, préfère se montrer, se dévoiler, se répandre
littéralement sur le monde et les Hommes. L'expansion est
en effet l'un des thèmes fondamentaux du discours Carpenter-ien
où le mouvement de foules incontrôlables (Assault on Precinct
13, Escape from New York, Ghosts of Mars)
répond à la contamination des corps (The Thing, In
the Mouth of Madness). Le corps, physique, social, n'est
jamais parfaitement stable et est constamment pris au bord
de la rupture ou de la révolution, prêt à basculer dans l'inconnu
pour devenir autre chose, et échapper au contrôle de la raison.
Aussi, Prince of Darkness est un film « au premier
degré, brutal et sans concession », où, comme dans The
Thing ou In the Mouth of Madness, les personnages
ne pourront se fier à personne -ils seront héros ou bien ennemis
selon qu'ils sont ou non infectés par le mal-, et où toutes
les certitudes, scientifiques ou religieuses, s'effondrent
pour laisser la place à la paranoïa et au désespoir. Les protagonistes
de Prince of Darkness se battent en effet contre une
force autrement plus puissante qu'eux, une puissance millénaire
et proprement invincible qui ne peut être que retardée dans
son anéantissement du monde.
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Comme dans les nouvelles de H. P.
Lovecraft dont Carpenter est un fervent admirateur, l'apocalypse
est une certitude, et seule sa date est encore inconnue
des Hommes. Comme dans les nouvelles de Lovecraft, le panthéon
des forces infernales n'a pas de réelle contrepartie. Pour
chaque créature maléfique, invulnérable, qui vient terrifier
l'Humanité jusque dans son sommeil, il n'existe aucune force
positive capable de rétablir un semblant d'équilibre dans
le cosmos. Notre monde, à une époque désormais oubliée,
appartenait en réalité aux forces maléfiques et retombera
dans ses griffes dans le futur proche, et c'est la race
humaine entière qui est une simple parenthèse dans le cours
de l'histoire du monde.
Seuls les hommes et les femmes volontaires, prêts à se sacrifier
pour leurs compagnons, font face aux démons et permettent
aux héros des films de Carpenter de conserver leur humanité.
Comme le rappelle le cinéaste, « Il faut se confronter
au mal personnellement. Face à face avec le diable, peau
contre peau. » Cette confrontation que le
cinéaste appelle de ses vœux a ici lieu dans l'endroit qui,
pour lui, est réellement porteur de sens, dans une église
où, comme souvent, la corruption est rendue visible –The
Fog, In the Mouth of Madness, Vampires,
plus anecdotiquement dans They Live. Elle est le
lieu où devient apparent la réalité de forces plus puissantes
et plus anciennes que ce que l'Homme peut même appréhender,
et où son combat pour survivre fait sens sous l’œil du personnage
du pasteur.