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Le Décalogue (c) D.R.

Kieslowski avec son Décalogue nous propose d’avantage une philosophie qu’un point de vue moral. Ainsi, dans le Décalogue 5 (Tu ne tueras point, qui est également l’objet d’un long-métrage, grand absent du DVD) il se dresse contre la peine de mort, sans pour autant défendre le meurtrier. Le précepte « Tu ne tueras point » n’est-il pas plus destiné au bourreau qu’à l’assassin ? L’aspect documentaire que Kieslowski accorde à la longue séquence de préparation de l’exécution renverse la donne première, et paraît bien plus terrifiante que la scène de meurtre, où le jeune homme tente de tuer le chauffeur de son taxi sans y parvenir, faisant durer l’acte, entre maladresse et désespoir. La pitié que l’on ressent bizarrement pour le jeune meurtrier est contrebalancée par la froideur et l’automatisme, voire la méticulosité du bourreau qui vérifie la corde. Peut-être la force de Kieslowski vient-elle du fait que le réalisateur n’était en rien un militant, et que le point de vue est simplement celui d’un homme. La corde est passée au coup du coupable, le sol se dérobe sous ses pieds, la vie s’échappe à ce moment précis. Aucune ellipse dans la mort chez Kieslowski, qui est bien un cinéaste du présent.

Le Décalogue (c) D.R.

Le cinéma comme art du présent. Le concept n’aura jamais été aussi fort, tant l’aspect documentaire (Gérard Pangon préfère dire « réaliste ») est sensible dans les dix films. Le présent se transforme presque instantanément en passé lorsqu’il est filmé. La société polonaise dans les années 80 est radiographiée. Les habitudes sont immortalisées. Le verre de lait qui revient si souvent est à la fois un témoin de la vie des polonais et un symbole important du Décalogue, un liquide à la fois blanc et opaque, auquel on ne peut donner forme. Une chose est certaine lorsqu’on regarde le Décalogue : nous sommes bien en Pologne dans les années 80. Tout le dénonce. Kieslowski, en utilisant les dix préceptes universels, semble bien avoir voulu les adapter à un lieu et un temps donné. Si le passé fait partie de quelques films, ce n’est que par l’évocation, et par l’impact qu’il a eu sur le présent. Kieslowski filme les ordinateurs en opposition aux images saintes, deux pans forts de la société polonaise (en France, filmer un homme en rage face à une icône n’aurait sans doute pas eu le même impact), il filme les voitures en forme de boîte à savon, il filme la ville sous la neige. Et plus encore, il donne à ces lieux une atmosphère très particulière aux pays de l’est, aidé par ses neuf chef-opérateurs.

Le Décalogue oscille constamment entre réalisme et onirisme, avec ses angles de caméra particuliers, filmant au travers des vitres, face aux miroirs, mais surtout avec une lumière relative à son cinéma mais aussi à son pays, avec des couleurs froides qui rendent glauques les lumières rasantes du petit matin. Tout comme sa trilogie Bleu, Blanc, Rouge, chaque film semble déjà avoir sa dominante colorée, qui va du rouge au blanc, en passant par le jaune et bien sûr le bleu, décliné sous tous les tons, du bleu nuit au bleu délavé des hôpitaux.