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Le Décalogue (c) D.R.

A travers dix histoires différentes, Kieslowski nous offre le sentiment d’un tout, d’une homogénéité soutenue pas les différentes interactions entre les films : le personnage de « l’observateur muet » (comme l’appelle Gérard Pangon) traverse les situations, croise chacun des personnages, sorte de représentation du spectateur, ou peut-être du metteur en scène, peut-être œil de la conscience ou de la morale, présent à chaque fois qu’un dilemme se présente au personnage. D’autres détails font le lien entre les films : la situation de l’un est raconté dans l’autre, les personnages de l’un sont présents vieillis dans l’autre…

Ainsi, le Décalogue n’est pas une suite arbitraire de situations présentant chacune un point de vue moral. Au contraire, la morale est chose complexe. Existe-t-elle vraiment ? Le premier film (Un seul Dieu tu adoreras) offre une entrée en matière brutale, opposant la science (mathématique et météorologie) à la foi. Doit-on avoir la foi en des sciences exactes plutôt qu’en une spiritualité toute métaphysique ? Le jugement de Kieslowski tombe, sans appel, douloureux et révoltant, semblant nier tout ce que la modernité apporte. Gérard Pangon et Vincent Amiel expliquent que le réalisateur se dressait contre tout ce qui avait comme but de prédire l’avenir (et la météorologie est bien de ceux-là), mais son radicalisme est parfois à relativiser.

  Le Décalogue (c) D.R.

Doit-on pour autant interpréter le destin tragique des personnages comme la vengeance d’un Dieu qui rappelle les hommes à sa toute-puissance ? Il s’agirait plutôt de destin, du caractère inéluctable de la vie, et surtout de l’importance du choix qui déterminera le futur. Ainsi, le décalogue 8 (Tu ne mentiras pas) présente une femme en prise avec son passé actualisé : résistante légendaire, elle fit le choix pendant la guerre de ne pas sauver une enfant afin de protéger son camp. Hantée pas ce souvenir, elle est rattrapée par la petite fille devenue femme, entre la joie de la découvrir vivante et le remord de l’avoir laissé à la mort. En négligeant sa morale (« la vie d’un enfant est plus important que tout »), elle abandonna une part d’elle-même qu’elle ne put retrouver.

Kieslowski filme l’instant présent. Pas de flash-back ou de bond dans le temps. Si les personnages retrouvent les traces et les sensations du passé, c’est par la parole ou par le retour à des situations : les deux femmes, la résistante et l’enfant, se rendent dans l’immeuble où s’est déroulée la tragédie qui marqua leurs vies. Des sentiments que l’on croyait passés reviennent alors : croyant avoir encore une fois perdue la petite fille qu’elle avait abandonnée, la femme s’affole, le temps semble s’étirer, la vie n’être qu’un cycle où les situations se répètent inéluctablement, et où l’effacement du passé est impossible.