En questionnant les élèves sur leur perception
du film, ils relèvent aussi le caractère violent et comique
du film, ou du moins absurde. Or certaines scènes violentes
ne font pas rire alors que d’autre oui. Qu’est-ce qui, selon
eux, provoque ce rire et que peut signifier la collusion rire-violence ?
L’arrêt sur image leur fait saisir visiblement ce qu’est
la mise en scène, d’une fabrique du regard pour une représentation
spécifique de la violence. Celle-ci est décalée et toujours
là où on ne l’attend pas, il y a un suspens relié à l’irruption
ou non de la violence. Tout comme « une fabrique de l’imaginaire »
chez le spectateur qui comble le trou de la représentation.
Les élèves perçoivent bien l’existence du hors-champs qui participe
de ce sentiment du décalage, de l’absurdité relevée en premier
lieu.
Deux scènes seront étudiées :
la première scène du film (scène du parking) et sa répétition
aggravée. Cette idée d’ellipse fugitive entre les plans et du
hors-champ amène au concept de morcellement du temps, du récit,
du corps et du cadre de l’image. La difficulté de saisir d’un
premier regard une unité narrative, et allant de soi, procède
de cette esthétique de la fragmentation. L’étude plan par plan
de deux scènes de parking montre à quel point le cinéaste « complique
les choses » pour reprendre une belle et juste expression
dite en cours. Le coup de poing qui s’abat sur la vitre de la
voiture n’est pas celui auquel on s’attendait, le rire surgit
de ce faux-suspens, assez minime certes mais qui fonctionne
à tout les coups. Nishi regarde sa voiture salie par les restes
du repas de deux jeunes hommes, champ-contre-champ des trois
visages mutiques qui s’observent. Un coup de poing sonre sur
l’écran s’abat, en très gros plan, ce n’est que la main avec
un chiffon sur la vitre. A la seconde scène du parking, l’humour
surgit de la répétition du même, nous retrouvons les mêmes « ingrédients »
en sachant par avance que cette fois-ci, le coup s’abattra bien
sur le visage.
Le plaisir est anticipé, et il s’agira
pour le spectateur d’apprécier la mise en place des corps,
et comment le cinéaste privilégie le décadrage et le décalage.
Les élèves relèvent l’incohérence de la scène attendue :
on ne voit rien ! Tout passe par la bande sonore. Ce
qui les amènent à prendre conscience du caractère très fabriqué
et fictif du récit. De même, ils ne voient rien mais comblent
le vide de la représentation par leur imagination. En leur
demandant pourquoi le cinéaste choisit ici de ne rien montrer,
les élèves hésitent. On discute d’autres scènes de violence
et où le réalisateur n’a pas hésité à les montrer, certains
parlent d’un « trop de sang » alors qu’ici il n’y
a rien. S’oppose l’excès au vide, le trop au rien. Un élève
fait une comparaison très intéressante avec l’humour des dessins
animés tels Tex Avery, où il y a une surenchère de la violence
qui toujours fait rire par son excès ou son ratage. On aborde
à ce moment précis tout ce qui est dans le cadre, comment
sont disposés les corps, l’échelle des plans et le découpage,
en quoi les plongés et contre-plongés accentuent le caractère
décalé, les couleurs très vives et le jeu des ombres sur l’asphalte
gris du parking. Une personne remarque que c’est beau.
Trois idées donc apparaissent peu
à peu aux élèves : sur l’accord entre la violence, l’humour
et la beauté. Au nom d’une esthétique qui interroge le statut
de la violence et des images. Un élève conclu sur la question
de la morale.
- Etude consacrée au film dans la revue Les
Cahiers du Cinéma, n°518, novembre 1997
- Trafic, n°25, printemps 1998, article
de Thierry Jousse « Kitano, le maître
fou »
- Documentaire de Jean-Pierre Limosin pour la
série Cinéma de notre temps (Arte) Takeshi
Kitano l’Imprévisible
2003Zatoichi, avec Takeshi
Kitano, Tadanobu Asano 2002Dolls,
avec Hidetoshi Nishijima, Miho Kanno 2000Aniki,
mon frere / Brother, avec Takeshi Kitano,
Omar Epps 1999 L'Eté de
Kikujiro, avec Yusuke Sekiguchi, Kayoko
Kishimoto 1997Hana-Bi,
avec Takeshi Kitano, Kayoko Kishimoto 1996 Kids Return,
avec Masanobu Ando, Ken Kaneko 1995Getting
any ?, avec Minoru Izuka,
Susumu Terajima 1993Sonatine,
avec Takeshi Kitano, Aya Kokumai 1991A Scene
at the Sea, avec Kuroudo Maki, Hiroko
Oshima 1990Jugatsu,
avec Masahiko Ono,
Minoru Iizuka 1989Violent
Cop avec Takeshi Kitano, Shiro San